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Récapitulatif factuel

Demis Hassabis, PDG de DeepMind (une entreprise d’intelligence artificielle appartenant à Google) et lauréat du prix Nobel de chimie, a récemment déclaré lors d’une interview que l’IA pourrait permettre de guérir toutes les maladies dans les 10 prochaines années. Cette affirmation a suscité de vives réactions dans la communauté scientifique et technologique.

DeepMind est connue pour ses avancées significatives dans le domaine de l’IA, notamment avec AlphaFold, un système qui a révolutionné la prédiction de la structure des protéines - une avancée qui a valu à Hassabis son prix Nobel. La compréhension précise de la structure des protéines est fondamentale pour le développement de médicaments, car elle permet de mieux cibler les interventions thérapeutiques.

Cependant, plusieurs experts du domaine biomédical soulignent des obstacles majeurs à cette prédiction:

• La diversité biologique: il existe plus de 10 000 codes de maladies différentes, allant des troubles monogéniques aux maladies chroniques polygéniques, en passant par les cancers et les pathogènes infectieux qui évoluent constamment.
• Les délais de développement clinique: même avec des voies d’approbation accélérées, le délai médian pour le développement clinique est d’environ 9 ans, avec un taux de réussite global inférieur à 8% entre la phase préclinique et la mise sur le marché.
• Les contraintes réglementaires: les organismes comme la FDA (Food and Drug Administration) aux États-Unis exigent des données de sécurité à long terme qui ne peuvent être accélérées au-delà d’une certaine limite.
• Les défis socio-économiques: l’existence d’un traitement ne garantit pas son accessibilité à tous, comme le montrent des exemples comme la polio ou le paludisme, où des traitements efficaces existent mais n’atteignent pas toutes les populations concernées.

Point de vue neutre

Entre l’optimisme technologique et le scepticisme médical se trouve une réalité nuancée. L’IA transforme indéniablement la recherche biomédicale, mais la guérison de “toutes les maladies” implique bien plus que des algorithmes sophistiqués.

La déclaration de Hassabis reflète probablement une vision des possibilités technologiques plutôt qu’une prédiction littérale. L’IA accélérera certainement la découverte de médicaments en identifiant des cibles thérapeutiques et en concevant des molécules plus efficacement. Des progrès significatifs sont déjà visibles avec des outils comme AlphaFold qui ont transformé notre compréhension des structures protéiques.

Cependant, le chemin entre la découverte et le traitement clinique reste long. Même avec une compréhension parfaite des mécanismes biologiques, les essais cliniques nécessitent du temps pour évaluer l’efficacité et la sécurité - une contrainte qui ne peut être entièrement éliminée par l’IA.

Ce qui semble plus probable dans les 10 prochaines années, c’est une accélération spectaculaire de la recherche fondamentale et des premières phases de développement, accompagnée d’avancées significatives contre certaines maladies spécifiques. Nous verrons probablement des traitements révolutionnaires pour des conditions auparavant intraitables, mais pas l’élimination complète de toutes les maladies.

La médecine personnalisée, où les traitements sont adaptés au profil génétique individuel, pourrait connaître une expansion majeure grâce à l’IA, offrant des solutions plus efficaces et moins d’effets secondaires. C’est peut-être dans cette direction que les progrès les plus tangibles se manifesteront.

Exemple

Imaginez que vous êtes propriétaire d’un restaurant gastronomique et que vous avez soudainement accès à un chef robot doté d’une intelligence artificielle avancée. Ce chef connaît toutes les recettes du monde, comprend parfaitement la chimie des aliments et peut créer des plats théoriquement parfaits.

“Génial!” pensez-vous, “Je vais pouvoir offrir tous les plats du monde, parfaitement exécutés, dès demain!”

Mais voilà, même avec ce super-chef, vous faites face à des réalités pratiques:

• Vous devez toujours commander les ingrédients, qui arrivent avec leurs délais habituels
• Votre cuisine a une capacité limitée et certaines préparations prennent du temps, peu importe qui les réalise
• Vos clients doivent goûter les plats et vous donner leur avis avant que vous ne les mettiez définitivement au menu
• Certains ingrédients exotiques coûtent très cher et ne seront pas accessibles à tous vos clients

C’est un peu la même chose avec l’IA en médecine. DeepMind peut avoir créé le “super-chef” de la recherche médicale, capable de concevoir des traitements théoriquement parfaits. Mais entre la recette parfaite et le plat servi à tous les clients, il y a tout un monde de contraintes pratiques.

“Nous allons guérir toutes les maladies en 10 ans” ressemble un peu à dire “Nous allons servir tous les plats du monde parfaitement exécutés dès demain”. C’est enthousiasmant, mais peut-être un peu trop optimiste face aux réalités du terrain!

Point de vue optimiste

Nous sommes à l’aube d’une révolution médicale sans précédent! La déclaration de Demis Hassabis n’est pas de la simple hyperbole technologique, mais une vision lucide de ce que l’intelligence artificielle peut accomplir lorsqu’elle est appliquée à la biologie et à la médecine.

Pensez-y: en seulement quelques années, DeepMind a résolu le problème du repliement des protéines, un défi qui résistait aux scientifiques depuis des décennies. Cette percée fondamentale change complètement notre capacité à comprendre les mécanismes biologiques et à concevoir des interventions thérapeutiques précises.

L’IA ne se contente pas d’accélérer la recherche existante - elle transforme fondamentalement notre approche. Là où les chercheurs humains pouvaient explorer quelques pistes à la fois, les systèmes d’IA peuvent analyser simultanément des millions de possibilités, identifier des motifs invisibles à l’œil humain et proposer des solutions radicalement nouvelles.

Les contraintes traditionnelles du développement pharmaceutique pourraient être bouleversées par des simulations biologiques ultra-précises, réduisant considérablement le besoin d’essais préliminaires. Les essais cliniques eux-mêmes pourraient être optimisés et personnalisés grâce à l’analyse prédictive, accélérant considérablement le processus d’approbation.

Et n’oublions pas la médecine personnalisée! L’IA pourrait permettre de concevoir des traitements sur mesure pour chaque patient, en fonction de son profil génétique unique, maximisant l’efficacité tout en minimisant les effets secondaires.

Les défis sont réels, mais l’histoire nous a montré maintes fois que nous sous-estimons systématiquement le rythme du progrès technologique. Qui aurait prédit, il y a dix ans, les capacités actuelles des modèles d’IA? Dans dix ans, nous regarderons en arrière et nous nous demanderons comment nous avons pu douter de cette vision audacieuse mais réalisable d’un monde libéré du fardeau de la maladie.

Point de vue pessimiste

La promesse de guérir toutes les maladies en une décennie relève malheureusement plus du marketing technologique que de la réalité scientifique. Cette rhétorique n’est pas sans rappeler les nombreuses promesses non tenues de la Silicon Valley, où l’enthousiasme pour les possibilités théoriques éclipse souvent les contraintes pratiques du monde réel.

La médecine n’est pas un problème purement computationnel. Même avec une compréhension parfaite des mécanismes biologiques, le développement de traitements sûrs et efficaces reste un processus intrinsèquement long et complexe. Les essais cliniques ne peuvent être accélérés indéfiniment sans compromettre la sécurité des patients - une leçon que l’histoire de la pharmacologie nous a enseignée à maintes reprises.

De plus, cette vision techno-optimiste ignore les réalités socio-économiques de la santé mondiale. Nous disposons déjà de traitements efficaces pour de nombreuses maladies qui continuent de tuer des millions de personnes chaque année, simplement parce que ces traitements ne sont pas accessibles à tous. La tuberculose, par exemple, reste mortelle pour un million de personnes annuellement malgré l’existence de traitements depuis des décennies.

Les intérêts commerciaux posent également un obstacle majeur. L’industrie pharmaceutique est structurée autour de la gestion des maladies chroniques plutôt que de leur guérison définitive. Un traitement qui guérit complètement est moins rentable qu’un traitement qui doit être pris à vie. Cette réalité économique ne disparaîtra pas simplement avec l’arrivée de l’IA.

Enfin, cette focalisation sur les solutions technologiques détourne l’attention et les ressources des approches préventives et des déterminants sociaux de la santé, qui ont souvent un impact bien plus significatif sur la santé des populations que les avancées médicales spectaculaires.

L’IA transformera certainement la médecine, mais prétendre qu’elle éliminera toutes les maladies en une décennie relève davantage de l’utopisme technologique que d’une évaluation réaliste des défis complexes de la santé humaine.