Le PDG de DeepMind (lauréat Nobel) prédit la guérison de toutes les maladies d ici 10 ans grùce à l IA. Les experts en biotech restent sceptiques: essais cliniques, complexité biologique et contraintes réglementaires rendent ce délai irréaliste. #IA #Santé

Article en référence: https://v.redd.it/nz8t36tk98xe1

Récapitulatif factuel

Demis Hassabis, PDG de DeepMind (une entreprise d’intelligence artificielle appartenant Ă  Google) et laurĂ©at du prix Nobel de chimie, a rĂ©cemment dĂ©clarĂ© dans une interview que toutes les maladies pourraient ĂȘtre guĂ©ries dans environ 10 ans grĂące Ă  l’intelligence artificielle. Cette affirmation a suscitĂ© de nombreuses rĂ©actions dans la communautĂ© scientifique et technologique.

DeepMind est reconnue pour ses avancĂ©es significatives dans le domaine de l’IA, notamment avec AlphaFold, un systĂšme qui a rĂ©volutionnĂ© la prĂ©diction de la structure des protĂ©ines - une avancĂ©e qui a valu Ă  Hassabis son prix Nobel. Cette technologie permet de comprendre comment les protĂ©ines se replient dans l’espace tridimensionnel, ce qui est crucial pour comprendre leur fonction et dĂ©velopper des mĂ©dicaments ciblĂ©s.

La prĂ©diction de Hassabis repose sur l’idĂ©e que l’IA pourrait accĂ©lĂ©rer considĂ©rablement la recherche mĂ©dicale en:

Cependant, de nombreux experts en biotechnologie et en médecine ont exprimé leur scepticisme face à cette prédiction, soulignant plusieurs obstacles majeurs:

  1. ComplexitĂ© biologique: Les maladies sont extrĂȘmement diverses (plus de 10 000 codes CIM) et certaines n’ont pas de cible molĂ©culaire claire.
  2. DurĂ©e des essais cliniques: Le dĂ©lai mĂ©dian de dĂ©veloppement clinique est d’environ 9 ans par maladie, avec un taux de rĂ©ussite infĂ©rieur Ă  8%.
  3. Contraintes rĂ©glementaires: Les organismes comme la FDA exigent des donnĂ©es de sĂ©curitĂ© Ă  long terme qui ne peuvent ĂȘtre accĂ©lĂ©rĂ©es.
  4. Mise en Ɠuvre socio-Ă©conomique: L’existence d’un traitement ne garantit pas son accessibilitĂ© mondiale.
  5. Vieillissement: Le vieillissement lui-mĂȘme n’est pas une maladie unique mais un ensemble de processus complexes.

Cette prĂ©diction s’inscrit dans un dĂ©bat plus large sur le potentiel transformateur de l’IA dans le domaine mĂ©dical et sur la tendance de certains leaders technologiques Ă  faire des prĂ©dictions trĂšs optimistes concernant l’impact de leurs technologies.

Point de vue neutre

Entre l’optimisme dĂ©bordant de la Silicon Valley et le scepticisme rigide du milieu mĂ©dical traditionnel se trouve probablement une rĂ©alitĂ© plus nuancĂ©e. L’IA va indĂ©niablement transformer la recherche mĂ©dicale, mais pas nĂ©cessairement selon le calendrier ou l’ampleur annoncĂ©s par Hassabis.

Ce que nous observons, c’est une accĂ©lĂ©ration rĂ©elle de certains processus de recherche. L’IA a dĂ©jĂ  dĂ©montrĂ© sa capacitĂ© Ă  identifier des cibles thĂ©rapeutiques potentielles et Ă  concevoir des molĂ©cules candidates en une fraction du temps qu’il aurait fallu auparavant. AlphaFold de DeepMind a rĂ©solu un problĂšme qui tourmentait les biologistes depuis des dĂ©cennies.

Cependant, la biologie humaine reste d’une complexitĂ© vertigineuse. Notre comprĂ©hension des systĂšmes biologiques progresse, mais nous dĂ©couvrons constamment de nouvelles couches de complexitĂ©. Chaque avancĂ©e rĂ©vĂšle souvent de nouvelles questions.

Le dĂ©veloppement de mĂ©dicaments ne se heurte pas seulement Ă  des dĂ©fis scientifiques, mais aussi Ă  des rĂ©alitĂ©s pratiques. Les essais cliniques nĂ©cessitent du temps non pas par inefficacitĂ© bureaucratique, mais parce que les effets Ă  long terme ne peuvent ĂȘtre observĂ©s qu’avec
 le temps. MĂȘme avec une IA superintelligente, certaines maladies progressent lentement et nĂ©cessitent des annĂ©es d’observation pour confirmer l’efficacitĂ© d’un traitement.

Ce qui semble plus probable, c’est une transformation progressive mais profonde du paysage mĂ©dical. Dans 10 ans, nous aurons probablement:

L’IA ne sera pas une baguette magique qui Ă©liminera toutes les maladies d’un coup, mais plutĂŽt un accĂ©lĂ©rateur puissant qui modifiera fondamentalement notre approche de la santĂ© et de la mĂ©decine. La promesse de Hassabis, bien qu’exagĂ©rĂ©e dans son calendrier, pointe vers une direction qui n’est pas entiĂšrement fantaisiste.

Exemple

Imaginez que vous ĂȘtes dans votre cuisine, prĂȘt Ă  prĂ©parer un soufflĂ© au fromage pour la premiĂšre fois. Vous avez une recette dĂ©taillĂ©e, tous les ingrĂ©dients de qualitĂ©, et mĂȘme un four dernier cri avec contrĂŽle prĂ©cis de la tempĂ©rature.

Votre ami technophile arrive et dĂ©clare: “Avec ce four intelligent et cette recette optimisĂ©e par IA, tu vas crĂ©er le meilleur soufflĂ© du monde en 15 minutes, garanti!”

Pendant ce temps, votre tante, cuisiniĂšre expĂ©rimentĂ©e depuis 30 ans, lĂšve les yeux au ciel: “Un bon soufflĂ© prend du temps, de la pratique, et mĂȘme avec tout l’équipement du monde, il peut s’effondrer pour mille raisons diffĂ©rentes.”

Vous commencez Ă  cuisiner. Effectivement, l’IA vous aide Ă  ajuster parfaitement les proportions selon votre altitude et l’humiditĂ© de votre cuisine. Le four maintient une tempĂ©rature idĂ©ale. Mais vous dĂ©couvrez que:

  1. Battre les blancs en neige reste un geste technique qui demande de la pratique
  2. Le timing d’incorporation des ingrĂ©dients est crucial
  3. Le soufflé reste sensible aux vibrations et aux changements brusques de température
  4. Votre fromage local se comporte différemment de celui utilisé dans les tests de la recette

Finalement, aprÚs plusieurs tentatives, vous obtenez un excellent soufflé. Pas en 15 minutes, mais beaucoup plus rapidement que si vous aviez dû tout apprendre par essais et erreurs sans assistance.

C’est un peu la mĂȘme chose avec l’IA mĂ©dicale. Elle ne va pas magiquement rĂ©soudre tous les problĂšmes de santĂ© en un claquement de doigts, mais elle va considĂ©rablement accĂ©lĂ©rer notre apprentissage et notre capacitĂ© Ă  dĂ©velopper des traitements. Certains “soufflĂ©s mĂ©dicaux” rĂ©ussiront rapidement, d’autres demanderont plus de temps et d’ajustements, et quelques-uns resteront particuliĂšrement dĂ©licats Ă  maĂźtriser.

Point de vue optimiste

Nous sommes Ă  l’aube d’une rĂ©volution mĂ©dicale sans prĂ©cĂ©dent! La prĂ©diction de Demis Hassabis n’est pas seulement audacieuse, elle est parfaitement alignĂ©e avec la trajectoire exponentielle des avancĂ©es technologiques que nous observons.

Rappelons-nous que nous sous-estimons systĂ©matiquement le rythme du progrĂšs. En 2017, des experts affirmaient que l’IA gĂ©nĂ©rative pour l’art prendrait 50 Ă  75 ans Ă  se dĂ©velopper - Stable Diffusion est arrivĂ© Ă  peine 2,5 ans plus tard! L’histoire de l’IA est jalonnĂ©e de barriĂšres supposĂ©ment infranchissables qui ont Ă©tĂ© pulvĂ©risĂ©es bien avant les prĂ©dictions les plus optimistes.

L’IA ne se contente pas d’accĂ©lĂ©rer la recherche existante - elle transforme fondamentalement notre approche. Avec des modĂšles comme AlphaFold qui ont dĂ©jĂ  rĂ©volutionnĂ© notre comprĂ©hension des protĂ©ines, nous assistons Ă  l’émergence d’une nouvelle mĂ©thode scientifique, oĂč l’IA peut formuler et tester des hypothĂšses Ă  une Ă©chelle et une vitesse inimaginables pour l’esprit humain.

Les systĂšmes d’IA actuels ne sont que la pointe de l’iceberg. Dans quelques annĂ©es, nous disposerons de modĂšles capables de simuler des cellules entiĂšres, puis des organes, et finalement des systĂšmes biologiques complets. Ces “jumeaux numĂ©riques” permettront de tester des milliers d’interventions thĂ©rapeutiques en parallĂšle, sans risque pour les patients.

La convergence de l’IA avec d’autres technologies comme l’édition gĂ©nĂ©tique CRISPR, la biologie synthĂ©tique et la mĂ©decine rĂ©gĂ©nĂ©rative crĂ©era un effet multiplicateur. Des maladies considĂ©rĂ©es comme incurables aujourd’hui - du cancer aux maladies auto-immunes en passant par les troubles neurodĂ©gĂ©nĂ©ratifs - pourraient devenir gĂ©rables ou mĂȘme totalement Ă©liminables.

Quant aux contraintes rĂ©glementaires et aux essais cliniques, l’IA transformera Ă©galement ces processus. Des simulations ultra-prĂ©cises pourraient rĂ©duire considĂ©rablement le besoin d’essais sur des humains, et les rĂ©gulateurs adapteront leurs cadres face Ă  l’évidence de traitements rĂ©volutionnaires.

Le vĂ©ritable dĂ©fi ne sera pas scientifique ou technique, mais social et politique: comment garantir que ces avancĂ©es extraordinaires bĂ©nĂ©ficient Ă  tous? C’est sur cette question que nous devrons concentrer nos efforts collectifs.

Point de vue pessimiste

La prĂ©diction de Hassabis illustre parfaitement le syndrome du “techno-solutionnisme” qui afflige tant de leaders de la Silicon Valley: cette croyance naĂŻve que des problĂšmes profondĂ©ment complexes peuvent ĂȘtre rĂ©solus par la seule puissance de calcul et quelques algorithmes intelligents.

La mĂ©decine n’est pas un problĂšme d’échecs ou de Go. Les systĂšmes biologiques sont d’une complexitĂ© vertigineuse, façonnĂ©s par des milliards d’annĂ©es d’évolution, avec des interactions Ă  multiples niveaux que nous commençons Ă  peine Ă  comprendre. MĂȘme avec les meilleurs modĂšles d’IA, notre comprĂ©hension fondamentale de nombreux mĂ©canismes biologiques reste rudimentaire.

L’histoire de la mĂ©decine est jonchĂ©e de promesses grandioses qui se sont heurtĂ©es Ă  la dure rĂ©alitĂ© biologique. Rappelons-nous l’enthousiasme autour du sĂ©quençage du gĂ©nome humain au dĂ©but des annĂ©es 2000 - on nous promettait alors une rĂ©volution mĂ©dicale imminente. Deux dĂ©cennies plus tard, les thĂ©rapies gĂ©niques restent exceptionnelles et souvent inaccessibles.

Les contraintes pratiques du dĂ©veloppement de mĂ©dicaments ne sont pas de simples obstacles bureaucratiques qu’on peut balayer d’un revers de main. Elles reflĂštent des rĂ©alitĂ©s biologiques fondamentales: certains effets ne peuvent ĂȘtre observĂ©s qu’avec le temps, certaines interactions ne peuvent ĂȘtre prĂ©dites qu’avec des essais rĂ©els, et certaines variations individuelles ne peuvent ĂȘtre anticipĂ©es par aucun modĂšle.

Plus inquiĂ©tant encore: cette focalisation sur les solutions technologiques dĂ©tourne l’attention et les ressources des approches prĂ©ventives et des dĂ©terminants sociaux de la santĂ©. La plupart des maladies qui affligent l’humanitĂ© aujourd’hui pourraient ĂȘtre considĂ©rablement rĂ©duites par des mesures de santĂ© publique, une meilleure alimentation, et la rĂ©duction des inĂ©galitĂ©s - des solutions qui n’exigent pas d’IA avancĂ©e mais une volontĂ© politique.

Enfin, mĂȘme si l’IA permettait des avancĂ©es significatives, le modĂšle Ă©conomique actuel de l’industrie pharmaceutique garantit que ces traitements resteraient inaccessibles pour la majoritĂ© de la population mondiale. La tuberculose est curable depuis des dĂ©cennies, pourtant elle tue encore plus d’un million de personnes chaque annĂ©e faute d’accĂšs aux traitements.

La vĂ©ritable question n’est pas de savoir si l’IA peut thĂ©oriquement rĂ©soudre ces problĂšmes, mais si nous avons la sagesse collective pour l’utiliser de maniĂšre Ă  bĂ©nĂ©ficier rĂ©ellement Ă  l’humanitĂ© tout entiĂšre.

Redirection en cours...

Si vous n'ĂȘtes pas redirigĂ© automatiquement, 👉 cliquez ici 👈