Article en référence: https://v.redd.it/r80l36s6yvre1

Récapitulatif factuel

Une tendance virale a récemment pris d’assaut les médias sociaux : la transformation d’images célèbres en style d’animation japonaise, plus précisément dans le style de Satoshi Kon, un réalisateur et animateur japonais renommé. La publication Reddit en question présente une vidéo montage de près de 200 images iconiques - des événements historiques, des mèmes internet, des scènes de films, des personnalités célèbres - toutes transformées grâce à l’intelligence artificielle de ChatGPT (DALL-E).

Le créateur a utilisé un prompt simple mais efficace : “change the style to satoshi kon. 1:1 aspect ratio” pour générer ces transformations. La vidéo est accompagnée de la chanson “I’ve Seen Footage” du groupe Death Grips, créant une expérience audiovisuelle frénétique qui a captivé l’attention des internautes. Les images défilent rapidement, montrant des moments aussi divers que les attentats du 11 septembre, la pochette de l’album “In the Aeroplane Over the Sea” de Neutral Milk Hotel, des scènes de films cultes, ou encore des mèmes récents.

Cette tendance s’inscrit dans la vague d’enthousiasme suivant la mise à jour de ChatGPT permettant de modifier des images existantes dans différents styles artistiques. Les commentaires sur la publication révèlent des réactions partagées : certains utilisateurs sont impressionnés par la qualité et la cohérence du rendu, tandis que d’autres s’inquiètent des implications pour les artistes traditionnels ou critiquent le manque d’originalité créative.

Il est important de noter que, contrairement à ce que plusieurs commentateurs ont supposé, le style utilisé n’est pas celui du Studio Ghibli (connu pour des films comme “Mon voisin Totoro” ou “Le voyage de Chihiro”), mais celui de Satoshi Kon, créateur d’œuvres comme “Perfect Blue” et “Paprika”, caractérisées par un style plus mature et psychologique.

Point de vue neutre

Cette vague de transformations artistiques par IA représente un moment charnière dans notre relation avec la technologie et l’art. Ni révolution artistique complète, ni simple gadget passager, elle illustre parfaitement l’entre-deux dans lequel nous nous trouvons actuellement.

Ce phénomène met en lumière notre fascination collective pour la réinterprétation du familier. Les images que nous connaissons tous - qu’elles soient tragiques, comiques ou historiques - prennent une dimension nouvelle lorsqu’elles sont transformées. Cette distance esthétique nous permet de les revisiter avec un regard différent, parfois plus détaché, parfois plus émotionnel.

La controverse entourant ces créations est légitime et nécessaire. D’un côté, l’accessibilité de ces outils démocratise certaines formes d’expression visuelle. De l’autre, elle soulève des questions fondamentales sur la nature de la création, l’appropriation artistique et la valeur du travail créatif humain. Le débat n’est pas binaire - il existe un espace pour que ces outils trouvent leur place dans l’écosystème créatif sans nécessairement remplacer les artistes traditionnels.

Ce que nous observons est probablement une phase transitoire. Comme toute nouveauté technologique, l’engouement initial cèdera progressivement la place à des usages plus réfléchis et intégrés. La vraie question n’est pas de savoir si ces outils sont “bons” ou “mauvais” pour l’art, mais plutôt comment ils s’intégreront dans nos pratiques créatives et notre consommation culturelle à long terme.

L’aspect le plus intéressant de ce phénomène n’est peut-être pas la technologie elle-même, mais ce qu’elle révèle de notre rapport collectif aux images qui définissent notre époque et notre mémoire partagée.

Exemple

Imaginez que vous êtes au Musée des beaux-arts de Montréal, admirant tranquillement les œuvres des grands maîtres. Soudain, un personnage excentrique fait irruption dans la salle, armé d’une machine étrange ressemblant à un mélange entre un projecteur de cinéma et un mixeur de cuisine.

“Mesdames et messieurs, je vais révolutionner votre expérience artistique!” s’exclame-t-il avec enthousiasme. “Voici ma machine à transformer l’art : le Kon-vertisseur 3000!”

Il pointe son appareil vers “La Joconde” et, en un éclair, la célèbre peinture se transforme en une version animée japonaise, où Mona Lisa arbore désormais de grands yeux expressifs et un sourire encore plus énigmatique.

“Et ce n’est pas tout!” poursuit notre inventeur. Il dirige maintenant sa machine vers une photo du premier ministre en visite officielle, qui se retrouve instantanément dans un univers visuel digne de “Paprika”. Puis c’est au tour d’une affiche du Festival de Jazz, d’une publicité de poutine, et même d’un selfie qu’un visiteur vient de prendre.

Les réactions dans la salle sont aussi variées que les œuvres transformées. Une dame âgée s’offusque : “C’est un sacrilège! De mon temps, on respectait l’art!” À côté d’elle, un adolescent s’extasie : “C’est trop cool! Je peux essayer avec ma photo de graduation?” Un critique d’art prend frénétiquement des notes en murmurant : “Intéressante déconstruction post-moderne de l’iconographie contemporaine…”

Pendant ce temps, dans un coin de la salle, un artiste traditionnel observe la scène avec un mélange d’inquiétude et de curiosité, se demandant si son prochain vernissage devrait peut-être inclure quelques œuvres “kon-verties” pour attirer la foule.

Notre inventeur, ravi du chaos qu’il a créé, s’apprête à quitter les lieux quand le conservateur du musée l’interpelle : “Monsieur! Votre machine est fascinante, mais pourriez-vous transformer cette facture de stationnement en billet gratuit? C’est pour… la science.”

Point de vue optimiste

Nous assistons à l’aube d’une démocratisation artistique sans précédent! Cette tendance de transformation d’images en style Satoshi Kon représente bien plus qu’un simple effet visuel - c’est une révolution dans notre façon d’interagir avec notre patrimoine visuel collectif.

Pour la première fois dans l’histoire, chacun peut devenir un interprète créatif, réimaginant le monde à travers différentes lentilles esthétiques. Cette accessibilité ouvre des possibilités infinies pour l’éducation artistique, permettant à tous de comprendre et d’apprécier différents styles et techniques qui étaient auparavant réservés aux initiés.

Loin de menacer les artistes traditionnels, ces outils vont catalyser une nouvelle renaissance créative. Ils libéreront les créateurs des contraintes techniques, leur permettant de se concentrer sur la vision et le concept. Imaginez des collaborations entre artistes humains et IA, où chacun apporte ses forces uniques pour créer des œuvres qui n’auraient jamais pu exister autrement!

Sur le plan culturel, cette technologie peut devenir un formidable outil de préservation et de réinterprétation du patrimoine. Des événements historiques peuvent être rendus plus accessibles et émotionnellement résonnants pour les nouvelles générations. Des œuvres littéraires peuvent être visualisées de manières inédites. Des cultures peuvent partager leurs récits visuels avec le monde entier.

Le montage viral que nous observons aujourd’hui n’est que la première vague d’une marée créative qui transformera notre relation à l’image. Dans quelques années, nous regarderons en arrière et verrons ce moment comme celui où l’art est véritablement devenu un langage universel, accessible à tous, non plus limité par la technique mais uniquement par l’imagination.

Point de vue pessimiste

Ce que nous observons avec cette vague de transformations d’images n’est rien de moins qu’une banalisation inquiétante de l’art et de l’histoire. Sous couvert d’innovation technologique, nous assistons à l’homogénéisation visuelle de notre patrimoine culturel et historique.

Ces transformations réduisent des événements tragiques, des œuvres d’art significatives et des moments historiques à de simples contenus visuels interchangeables, tous passés au même filtre esthétique sans considération pour leur contexte ou leur signification. La transformation d’images de l’Holocauste ou du 11 septembre en style anime n’est pas seulement de mauvais goût - elle participe à l’érosion de notre mémoire collective.

Pour les artistes professionnels, particulièrement les illustrateurs et animateurs, cette tendance représente une menace existentielle. Des années d’apprentissage, de pratique et de développement d’un style personnel sont réduites à un simple prompt textuel. Le style distinctif de créateurs comme Satoshi Kon, fruit d’une vie de travail et d’innovation, est maintenant exploité sans consentement ni compensation.

Plus inquiétant encore est l’illusion de créativité que ces outils procurent. Les utilisateurs se contentent de recycler des images existantes à travers un filtre préfabriqué, sans apporter de véritable valeur créative. Cette facilité risque d’encourager une culture de l’imitation plutôt que de l’innovation authentique.

À terme, cette tendance pourrait contribuer à une uniformisation culturelle où les styles artistiques distinctifs, souvent ancrés dans des traditions culturelles spécifiques, sont réduits à des effets visuels interchangeables. La richesse et la diversité de l’expression artistique humaine méritent mieux que d’être diluées dans un océan de contenus générés en quelques secondes par une machine.