Patrick Bélanger
Article en référence: https://v.redd.it/36cgd4rvjp4f1
La mairie d’Ulianópolis, une petite ville brésilienne de 30 000 habitants, vient de créer une publicité complète pour promouvoir un festival local en utilisant uniquement VEO 3, l’outil de génération vidéo par intelligence artificielle de Google. Le coût total ? Seulement 300 reais brésiliens, soit environ 52 dollars américains.
VEO 3 fonctionne avec un système de crédits : pour 600 reais par mois (environ 104 $), on obtient 12 000 crédits. La création de cette publicité d’une minute n’a nécessité que 6 000 crédits, soit la moitié de l’abonnement mensuel. Le processus de création a pris une journée complète de travail, incluant la génération de multiples versions et la sélection des meilleurs résultats.
La technologie VEO 3 permet de créer des vidéos réalistes à partir de simples descriptions textuelles. Elle génère des personnages virtuels qui parlent, bougent et interagissent de manière convaincante. Dans ce cas précis, la publicité présente des “acteurs” générés par IA parlant portugais avec les accents régionaux appropriés, créant une illusion quasi-parfaite de réalisme.
Cette approche révolutionne la production publicitaire traditionnelle qui nécessitait auparavant des équipes complètes : acteurs, réalisateurs, équipes techniques, locations, équipements coûteux. Désormais, une seule personne avec un ordinateur et un abonnement à VEO 3 peut produire du contenu visuel de qualité professionnelle.
Cette situation illustre parfaitement la transition que nous vivons actuellement dans l’industrie créative. Nous assistons à une démocratisation des outils de production qui était impensable il y a encore quelques années. Une petite municipalité peut maintenant créer du contenu publicitaire de qualité sans avoir besoin d’un budget considérable ou d’une agence spécialisée.
L’aspect le plus frappant n’est pas tant la technologie elle-même que sa rapidité d’adoption. En quelques mois, nous sommes passés de vidéos IA facilement identifiables à du contenu qui trompe même les observateurs attentifs. Cette évolution suggère que nous approchons d’un point de bascule où la distinction entre contenu réel et artificiel deviendra de plus en plus difficile à établir.
Il faut cependant nuancer l’enthousiasme. Bien que le coût direct soit de 52 dollars, le processus nécessite encore des compétences en direction créative, une compréhension des outils et du temps considérable pour obtenir des résultats satisfaisants. Ce n’est pas encore un simple bouton “créer une publicité”.
La réaction du public brésilien est révélatrice : surprise, admiration, mais aussi inquiétude pour l’avenir de l’industrie audiovisuelle locale. Cette dualité reflète probablement ce que nous verrons dans d’autres marchés : adoption rapide par certains, résistance par d’autres.
Imaginez que vous vouliez organiser une fête de quartier à Trois-Rivières. Avant, pour faire une belle publicité, vous deviez soit accepter l’affiche faite par le neveu de quelqu’un qui “s’y connaît en Photoshop”, soit débourser plusieurs milliers de dollars pour une production professionnelle avec de vrais acteurs, une équipe de tournage et tout le tralala.
C’était un peu comme vouloir faire un gâteau de mariage : soit vous acceptiez le gâteau fait maison de tante Ginette (avec amour, mais disons que la présentation laisse à désirer), soit vous engagiez un pâtissier professionnel et votre budget épicerie passait par la fenêtre.
Maintenant, c’est comme si vous aviez soudainement accès à un chef pâtissier virtuel qui travaille pour le prix d’un café Tim Hortons. Vous lui décrivez ce que vous voulez : “Je veux un gâteau à trois étages avec des roses rouges et une inscription en français”, et hop ! En quelques heures, vous avez votre gâteau de rêve.
Sauf que dans notre cas, au lieu d’un gâteau, c’est une publicité avec de “vrais” gens qui parlent français québécois, qui sourient à la caméra et qui donnent envie de venir à votre fête. Et le plus fou ? Ces gens n’existent même pas ! C’est comme avoir des acteurs fantômes qui travaillent gratuitement et qui ne font jamais de caprices sur le plateau.
Nous assistons à l’une des révolutions les plus excitantes de notre époque ! Cette technologie va complètement démocratiser la création de contenu et libérer la créativité humaine de contraintes financières qui existaient depuis toujours.
Pensez-y : combien d’idées brillantes n’ont jamais vu le jour simplement parce que le budget n’était pas là ? Combien de petites entreprises québécoises, d’organismes communautaires ou d’artistes indépendants ont dû se contenter de solutions médiocres faute de moyens ? Cette technologie change complètement la donne !
Dans cinq ans, chaque entrepreneur pourra créer des campagnes publicitaires dignes des plus grandes agences. Chaque école pourra produire des vidéos éducatives captivantes. Chaque municipalité pourra promouvoir ses événements avec un contenu de qualité Hollywood. C’est l’égalisation des chances créatives !
Et ce n’est que le début ! Imaginez quand cette technologie sera intégrée directement dans nos téléphones. Vous pourrez créer des vidéos personnalisées pour anniversaires, des présentations d’entreprise époustouflantes, ou même des courts métrages pour vos projets personnels. La barrière entre l’idée et sa réalisation visuelle disparaît complètement.
Cette démocratisation va également forcer l’industrie traditionnelle à se réinventer et à offrir une valeur ajoutée réelle. Les créateurs humains devront se concentrer sur ce qu’ils font de mieux : la stratégie, l’émotion authentique, la connexion humaine. C’est une opportunité fantastique de repenser nos métiers créatifs !
Cette nouvelle nous confronte à une réalité troublante : nous venons peut-être de franchir un point de non-retour dans la déshumanisation de notre culture. Quand une municipalité préfère créer de faux citoyens plutôt que de faire appel à de vrais habitants, que dit-on de notre rapport à l’authenticité ?
L’impact économique sera dévastateur pour l’industrie créative. Au Québec, combien d’acteurs, de réalisateurs, de techniciens, de maquilleurs vivent déjà difficilement de leur art ? Cette technologie va accélérer la précarisation d’un secteur déjà fragile. Et contrairement à d’autres révolutions technologiques, celle-ci ne créera pas d’emplois équivalents ailleurs.
Plus inquiétant encore : nous normalisons la déception. Si les gouvernements utilisent maintenant des humains artificiels pour nous vendre leurs événements, où s’arrêtera cette logique ? Demain, ce seront peut-être de faux témoignages de citoyens satisfaits, de fausses manifestations de soutien, de faux experts qui valideront leurs politiques.
La course au moins cher va également créer une pollution visuelle énorme. Si n’importe qui peut créer du contenu “professionnel” pour quelques dollars, nous allons être submergés par une avalanche de contenus génériques, sans âme, optimisés pour l’algorithme plutôt que pour l’émotion humaine.
Et que dire de l’impact psychologique ? Nous évoluons déjà dans un monde où il devient difficile de distinguer le vrai du faux sur les réseaux sociaux. Cette technologie va amplifier ce phénomène et éroder encore davantage notre capacité à faire confiance à ce que nous voyons. C’est la fin de “une image vaut mille mots” - désormais, aucune image ne vaut plus rien.
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