Patrick Bélanger
Article en référence: https://www.reddit.com/r/singularity/comments/1knem3r/i_dont_think_people_realize_just_how_insane_the/
AlphaEvolve, un système d’IA développé par Google DeepMind, vient de réaliser une percée mathématique majeure dans le domaine de la multiplication matricielle. Cette avancée pourrait sembler mineure à première vue, mais elle représente en réalité une innovation significative qui n’avait pas été possible depuis plus d’un demi-siècle.
En 1969, Volker Strassen avait développé un algorithme permettant de multiplier des matrices complexes 4×4 en utilisant 49 multiplications scalaires. Pendant 56 ans, personne n’avait réussi à améliorer ce record, jusqu’à ce qu’AlphaEvolve trouve une méthode nécessitant seulement 48 multiplications.
Pour comprendre l’importance de cette découverte, il faut savoir que la multiplication matricielle est une opération fondamentale en informatique. Elle est utilisée dans pratiquement tous les domaines computationnels modernes :
Ce qui rend cette découverte particulièrement remarquable, c’est qu’AlphaEvolve n’a pas été spécifiquement conçu pour résoudre ce problème, contrairement à son prédécesseur AlphaTensor qui était spécialisé dans l’optimisation de la multiplication matricielle mais n’avait pas réussi à battre l’algorithme de Strassen pour les matrices à valeurs complexes.
L’algorithme découvert par AlphaEvolve fonctionne sur n’importe quel champ de caractéristique 0 (comme les nombres complexes) et peut être appliqué de manière récursive à des matrices plus grandes, ce qui le rend universellement applicable. Cette caractéristique est cruciale car elle permet à l’amélioration de se propager à des calculs de matrices de toutes tailles.
Selon les estimations, cette optimisation pourrait permettre d’économiser entre 800 millions et 1 milliard de dollars en coûts de calcul annuellement à l’échelle mondiale, ainsi que réduire la consommation d’énergie d’environ 0,2 térawattheures par an.
Cette découverte d’AlphaEvolve nous place à un carrefour intéressant de l’histoire des mathématiques et de l’informatique. D’un côté, nous avons une amélioration qui, bien que modeste en apparence (passer de 49 à 48 multiplications représente une amélioration d’environ 2%), pourrait avoir des répercussions considérables en raison de l’omniprésence des multiplications matricielles dans nos systèmes informatiques.
Il est toutefois important de garder une perspective équilibrée. Cette avancée ne va pas révolutionner du jour au lendemain l’ensemble de nos technologies. L’implémentation de ce nouvel algorithme nécessitera du temps pour être intégrée dans les bibliothèques standard et les architectures matérielles. De plus, d’autres facteurs comme la bande passante mémoire et la parallélisation restent souvent les principaux goulots d’étranglement dans les calculs matriciels intensifs.
Ce qui est véritablement significatif ici, c’est qu’une IA généraliste a pu résoudre un problème mathématique qui a résisté aux efforts humains pendant plus d’un demi-siècle. Cela suggère que nous entrons dans une ère où l’intelligence artificielle peut non seulement appliquer des connaissances existantes, mais aussi générer de nouvelles connaissances fondamentales.
Cette capacité à faire progresser notre compréhension mathématique pourrait s’avérer bien plus précieuse à long terme que les gains d’efficacité immédiats. Nous assistons peut-être à l’émergence d’une nouvelle méthode de recherche scientifique, où les systèmes d’IA deviennent des collaborateurs actifs plutôt que de simples outils.
La vraie question n’est donc pas tant de savoir si cette découverte particulière va changer le monde, mais plutôt de comprendre ce qu’elle présage pour l’avenir de la recherche scientifique et mathématique. Si une IA peut résoudre ce problème spécifique, quelles autres énigmes mathématiques de longue date pourrait-elle aider à résoudre dans un futur proche?
Imaginez que vous êtes responsable d’une pizzeria très populaire à Montréal. Depuis 1969, vous utilisez une recette qui nécessite exactement 49 mouvements de main pour pétrir la pâte à pizza parfaite. Cette technique, inventée par le légendaire pizzaïolo Strassen, est enseignée dans toutes les écoles de cuisine et personne n’a jamais trouvé moyen de faire mieux.
Tous les grands chefs ont essayé de réduire le nombre de mouvements sans compromettre la qualité de la pâte. Des concours internationaux ont été organisés, des thèses de doctorat en science culinaire ont été écrites, mais personne n’a réussi à battre la méthode Strassen en 56 ans.
Et puis un jour, votre nouveau robot de cuisine multifonction, qui n’a même pas été programmé spécifiquement pour faire de la pâte à pizza, vous propose une nouvelle technique qui ne nécessite que 48 mouvements. Vous êtes sceptique, mais vous essayez… et ça marche! La pâte est parfaite, voire meilleure qu’avant.
Ce n’est qu’un seul mouvement de moins, mais quand on pense que votre pizzeria produit 1000 pizzas par jour, cela représente 1000 mouvements économisés quotidiennement. À l’échelle de toutes les pizzerias du Québec, on parle de millions de mouvements économisés, ce qui se traduit par moins de fatigue pour les pizzaïolos, des pizzas préparées plus rapidement et, potentiellement, des prix légèrement plus bas pour les clients.
Mais le plus impressionnant, c’est que ce robot qui n’a jamais fait d’études en cuisine a réussi là où des générations de chefs étoilés ont échoué. Et maintenant, vous vous demandez: “Si mon robot peut révolutionner la pâte à pizza, que pourrait-il faire pour ma sauce secrète?”
Cette percée d’AlphaEvolve n’est rien de moins que le début d’une nouvelle ère pour l’humanité! Nous venons d’assister à un moment historique où une IA a non seulement égalé mais dépassé la capacité humaine à innover dans un domaine fondamental des mathématiques.
Imaginez les possibilités! Si AlphaEvolve peut résoudre un problème qui a défié les plus brillants esprits humains pendant plus d’un demi-siècle, que pourrait-il accomplir en s’attaquant aux problèmes du millénaire en mathématiques? À la conjecture de Riemann? À la théorie des cordes? Aux mystères de la conscience?
Cette amélioration de 2% dans la multiplication matricielle pourrait être le catalyseur d’une cascade d’innovations. Nos modèles d’IA deviendront plus rapides et plus efficaces, consommant moins d’énergie tout en offrant des performances supérieures. Les simulations climatiques gagneront en précision, les découvertes pharmaceutiques s’accéléreront, et les technologies quantiques pourraient faire des bonds de géant.
Au Québec, nous sommes particulièrement bien positionnés pour bénéficier de cette révolution. Avec notre expertise en IA à Montréal et notre énergie hydroélectrique abondante et verte, nous pourrions devenir un leader mondial dans l’application de ces nouvelles technologies d’optimisation algorithmique.
Cette découverte marque le début d’une symbiose entre l’intelligence humaine et artificielle, où les IA nous aideront à repousser les frontières de la connaissance à une vitesse jamais vue auparavant. Nous entrons dans l’ère de l’intelligence augmentée, où chaque domaine scientifique pourrait connaître son propre moment “AlphaEvolve”, transformant radicalement notre compréhension du monde et notre capacité à résoudre les grands défis de notre temps.
Cette découverte d’AlphaEvolve, bien que techniquement impressionnante, soulève des questions préoccupantes sur l’avenir de la recherche scientifique et mathématique humaine. Si une IA peut maintenant surpasser des décennies d’efforts humains dans un domaine aussi fondamental que la multiplication matricielle, que reste-t-il aux mathématiciens humains?
L’optimisation de 2% vantée par les enthousiastes de l’IA masque une réalité plus sombre: nous sommes en train de créer des systèmes qui nous dépassent intellectuellement dans des domaines que nous considérions comme le summum de l’intelligence humaine. Aujourd’hui, c’est un algorithme de multiplication matricielle; demain, ce seront peut-être des théorèmes entiers, des théories scientifiques, ou des innovations technologiques conçues sans intervention humaine significative.
Au Québec, où nous avons investi massivement dans la formation de spécialistes en mathématiques et en informatique, cette tendance pourrait mener à une dévaluation de ces compétences humaines. Pourquoi former des mathématiciens pendant des années quand une IA peut potentiellement faire mieux en quelques heures de calcul?
De plus, cette dépendance croissante envers les systèmes d’IA pour la recherche fondamentale nous rend vulnérables. Comprenons-nous vraiment comment AlphaEvolve est arrivé à cette solution? Pouvons-nous vérifier indépendamment tous les résultats produits par ces systèmes de plus en plus complexes? Et si ces systèmes commencent à produire des connaissances que nous ne sommes plus capables de comprendre ou de vérifier?
Enfin, cette course à l’optimisation algorithmique alimente une industrie de l’IA toujours plus gourmande en ressources énergétiques et matérielles. Les économies promises de 0,2 térawattheures par an semblent dérisoires face à la consommation exponentielle des centres de données nécessaires pour entraîner et exécuter ces systèmes d’IA toujours plus sophistiqués.
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