Patrick Bélanger
Article en référence: https://v.redd.it/cifv7a48uste1
Une situation inusitée s’est produite récemment dans un tribunal américain lorsqu’un homme de 74 ans, survivant d’un cancer de la gorge, a tenté de présenter son témoignage via un avatar généré par intelligence artificielle. L’homme avait préalablement obtenu l’autorisation de soumettre un enregistrement vidéo en raison de ses difficultés à parler longuement, séquelle de son cancer. Cependant, au lieu de présenter un enregistrement vidéo traditionnel de lui-même, il a utilisé un avatar animé par IA qui parlait en son nom.
La juge Sallie Manzanet-Daniels a réagi avec indignation dès l’apparition de l’avatar, ordonnant immédiatement l’arrêt de la présentation. Elle a reproché à l’homme de ne pas avoir divulgué que sa “vidéo” serait en réalité une présentation générée par IA. Selon les informations complémentaires partagées dans les commentaires, l’homme en question possède une entreprise spécialisée dans l’IA, ce qui ajoute une dimension particulière à cette situation.
Pour comprendre le contexte, il faut savoir que dans un cadre juridique, la manière dont un témoignage est présenté peut être aussi importante que son contenu. Les juges évaluent non seulement les paroles prononcées, mais aussi le langage corporel, les expressions faciales et la crédibilité générale du témoin. Un avatar IA ne permet pas cette évaluation complète, ce qui explique en partie la réaction de la magistrate.
Cette situation met en lumière la tension croissante entre l’innovation technologique et les institutions traditionnelles comme le système judiciaire. D’un côté, nous avons un individu qui cherche à utiliser la technologie pour surmonter un handicap légitime. De l’autre, nous avons un système judiciaire qui fonctionne selon des protocoles établis depuis des siècles, où l’authenticité et la présence physique ont une importance fondamentale.
La réaction de la juge, bien que perçue comme excessive par certains, reflète une préoccupation légitime concernant l’intégrité des procédures judiciaires. Sans règles claires sur l’utilisation de l’IA dans les tribunaux, les juges doivent prendre des décisions rapides pour maintenir le décorum et la fiabilité du processus.
Cette confrontation illustre parfaitement le défi auquel notre société fait face : comment intégrer les nouvelles technologies dans nos institutions sans compromettre leurs principes fondamentaux? La technologie évolue plus rapidement que nos lois et nos protocoles, créant inévitablement des zones grises où les malentendus et les conflits peuvent surgir.
Le cas soulève également des questions sur l’accessibilité de la justice. Si l’homme avait clairement communiqué son intention d’utiliser un avatar IA pour compenser son handicap, la réponse aurait-elle été différente? Comment pouvons-nous concilier les besoins d’accessibilité avec les exigences d’authenticité dans un cadre juridique?
Imaginez que vous êtes invité à un dîner formel chez votre belle-famille pour la première fois. Vous avez une extinction de voix et vous avez prévenu qu’il vous serait difficile de parler. Votre belle-famille, compréhensive, vous dit que ce n’est pas grave et qu’ils sont prêts à faire des accommodements.
Le jour J arrive. Au lieu de vous présenter en personne avec votre voix enrouée, vous envoyez un robot télécommandé avec votre photo collée sur l’écran, qui parle avec une voix synthétique parfaite. Vous n’avez pas mentionné ce “petit détail” à l’avance.
Imaginez maintenant la réaction de votre belle-mère quand ce robot s’assoit à table et commence à discourir sur la qualité de sa soupe aux pois! “Mais qu’est-ce que c’est que ça? Je m’attendais à ce que TU viennes, pas ton avatar de science-fiction!”
Votre beau-père, qui est juge de profession, s’étouffe avec son vin. “Dans ma salle d’audience, ça passerait pas, mon p’tit gars!”
Vous protestez via le haut-parleur du robot : “Mais je suis là! C’est juste une extension technologique de moi-même! Et puis, c’est plus facile pour communiquer avec ma voix enrouée!”
Pendant ce temps, votre belle-sœur filme toute la scène pour son TikTok, en murmurant “Ça va devenir viral, c’est sûr!”
Cette situation absurde illustre bien le malentendu fondamental : ce n’est pas l’utilisation de la technologie en soi qui pose problème, mais le fait de ne pas avoir clairement établi les attentes au préalable.
Cette situation, bien que maladroite, représente en réalité une étape fascinante dans l’évolution de notre système judiciaire. Nous assistons aux premiers balbutiements d’une révolution qui pourrait démocratiser l’accès à la justice et la rendre plus inclusive pour tous.
Pensez-y : combien de personnes souffrant d’anxiété sociale, de handicaps physiques ou de troubles de la parole pourraient bénéficier de technologies similaires pour faire entendre leur voix dans un système qui peut être intimidant? L’IA pourrait devenir un formidable outil d’accessibilité, permettant à chacun de s’exprimer clairement et avec confiance.
De plus, cette technologie pourrait évoluer pour inclure des garanties d’authenticité. Des systèmes de vérification pourraient certifier que le contenu présenté par l’avatar correspond exactement aux intentions du témoin. Des avatars plus sophistiqués pourraient même reproduire fidèlement les expressions faciales et le langage corporel de la personne, préservant ainsi les aspects non verbaux de la communication.
À terme, nous pourrions voir émerger un cadre juridique qui intègre harmonieusement ces technologies, établissant des protocoles clairs pour leur utilisation. Cela pourrait non seulement rendre la justice plus accessible, mais aussi plus efficace, en permettant par exemple des témoignages à distance ou des traductions instantanées.
Cette anecdote judiciaire pourrait bien être vue, dans quelques décennies, comme un moment pivot dans la modernisation de notre système judiciaire - un premier pas maladroit vers un avenir où la technologie et la tradition juridique coexistent harmonieusement.
Cet incident illustre parfaitement la pente glissante sur laquelle nous nous engageons en permettant à l’IA de s’immiscer dans nos institutions fondamentales. Le système judiciaire repose sur des principes d’authenticité, de vérité et de présence réelle - tous menacés par l’introduction d’avatars générés par ordinateur.
Qu’est-ce qui garantit que les paroles prononcées par cet avatar sont réellement celles de la personne qu’il est censé représenter? Comment distinguer le vrai du faux dans un monde où n’importe qui peut créer une version numérique de lui-même qui dit exactement ce qu’il veut entendre? C’est la porte ouverte à toutes sortes de manipulations et de falsifications.
Plus inquiétant encore est le précédent que cela pourrait créer. Aujourd’hui, c’est un avatar qui parle à la place d’un individu. Demain, ce seront peut-être des témoins entièrement fictifs, des preuves fabriquées de toutes pièces, ou même des plaidoiries générées automatiquement sans intervention humaine. Notre système judiciaire, déjà imparfait, risque de devenir un théâtre d’ombres où la vérité se perd dans un labyrinthe d’illusions numériques.
La réaction viscérale de la juge, loin d’être excessive, témoigne d’une lucidité face à ces dangers. Elle comprend instinctivement que permettre cette intrusion technologique sans cadre strict, c’est ouvrir la boîte de Pandore.
De plus, cette situation révèle une tendance troublante à utiliser la technologie non pas pour résoudre de véritables problèmes, mais pour contourner les règles établies. L’homme aurait pu demander des accommodements spécifiques pour son handicap - un micro, des pauses régulières, ou même un interprète humain. Au lieu de cela, il a choisi une solution qui érode les fondements mêmes du processus judiciaire.
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