Patrick Bélanger
Article en référence: https://fortune.com/2025/07/28/mira-murati-2-billion-seed-round-thinking-machines-lab-openai-female-founders/
Mira Murati, ancienne directrice technique d’OpenAI, vient de lever 2 milliards de dollars américains lors d’une ronde de financement de démarrage pour sa nouvelle entreprise, Thinking Machines Lab. Cette levée de fonds établit un nouveau record pour une ronde de financement initial et valorise l’entreprise à environ 12 milliards de dollars.
Pour mettre cela en perspective, une ronde de financement de démarrage (seed round) représente généralement le premier investissement externe dans une entreprise naissante, souvent entre 500 000 $ et 5 millions $. Ici, nous parlons d’un montant 400 fois supérieur à la moyenne habituelle. Andreessen Horowitz (a16z), l’un des fonds de capital-risque les plus influents de la Silicon Valley, a mené cette ronde avec la participation de plusieurs géants de l’industrie.
Murati était l’une des figures clés derrière le développement de ChatGPT chez OpenAI, occupant le poste de CTO (Chief Technology Officer) avant de quitter l’entreprise. Son nouveau projet se concentre sur le développement de modèles d’intelligence artificielle multimodaux, capables de traiter différents types de données comme le texte, les images et potentiellement d’autres formats.
L’entreprise n’a encore aucun produit commercialisé, pas d’équipe complète constituée, et son site web reste très minimaliste. La valorisation repose donc entièrement sur le potentiel perçu de Murati et son expérience passée chez OpenAI.
Cette levée de fonds illustre parfaitement l’état actuel du marché de l’intelligence artificielle : un mélange fascinant entre vision stratégique et pari risqué. D’un côté, nous assistons à une reconnaissance légitime du talent et de l’expérience. Murati n’est pas une inconnue qui sort de nulle part ; elle a participé à la création de l’un des produits technologiques les plus révolutionnaires de la décennie.
Cependant, cette situation révèle aussi les dynamiques particulières du financement technologique en 2025. Les investisseurs ne financent plus seulement des produits ou des technologies, ils financent des écosystèmes de talent et des positions stratégiques dans un marché en pleine explosion. C’est un peu comme si les équipes de hockey payaient des joueurs vedettes non pas pour leurs statistiques actuelles, mais pour leur capacité à attirer d’autres talents et à créer une dynamique gagnante.
Le montant astronomique s’explique probablement par plusieurs facteurs convergents : la course effrénée à l’IA générative, la rareté des talents de ce calibre, et la volonté des investisseurs de sécuriser une position dans ce qui pourrait devenir le prochain OpenAI. C’est un pari calculé sur l’avenir, mais qui reste un pari.
La question centrale n’est pas de savoir si Murati réussira à créer quelque chose d’intéressant - son parcours suggère que oui - mais plutôt si cette création justifiera une valorisation de 12 milliards de dollars dès le départ.
Imaginez que vous êtes propriétaire d’un restaurant à Montréal et que le chef étoilé du Toqué! décide de quitter pour ouvrir son propre établissement. Avant même qu’il ait trouvé un local, choisi son menu ou embauché une équipe, des investisseurs lui offrent 100 millions de dollars pour son restaurant… qui n’existe pas encore.
“Mais pourquoi tant d’argent pour un restaurant fantôme ?” demanderiez-vous, perplexe, en sirotant votre café au lait.
“Parce que ce chef a déjà prouvé qu’il pouvait créer des plats extraordinaires,” répondent les investisseurs. “Et puis, regardez le marché de la gastronomie ! Tout le monde veut le prochain grand restaurant. Si on ne mise pas gros maintenant, quelqu’un d’autre le fera.”
Pendant ce temps, d’autres restaurateurs établis, qui servent déjà d’excellents repas depuis des années, regardent la scène avec un mélange d’admiration et d’incrédulité. “Nous, on a dû commencer avec 50 000 $ et prouver notre valeur plat par plat,” murmurent-ils en préparant leur service du soir.
C’est exactement ce qui se passe avec Mira Murati, sauf que son “restaurant” pourrait potentiellement nourrir l’intelligence de toute l’humanité. Pas de pression !
Cette levée de fonds représente bien plus qu’un simple record financier : c’est le signal d’une nouvelle ère dans l’innovation technologique ! Nous assistons à la naissance potentielle du prochain géant de l’IA, et cette fois-ci, avec une vision qui pourrait dépasser tout ce que nous avons vu jusqu’à présent.
Mira Murati n’est pas juste une ancienne employée d’OpenAI - elle était au cœur de la révolution ChatGPT. Elle comprend intimement les défis techniques, les opportunités de marché et les pièges à éviter. Avec 2 milliards de dollars, elle peut attirer les meilleurs talents mondiaux, investir dans l’infrastructure de calcul la plus avancée et explorer des approches que des startups moins bien financées ne pourraient jamais se permettre.
Cette approche “multimodale” pourrait révolutionner notre façon d’interagir avec l’IA. Imaginez des systèmes qui comprennent simultanément le texte, les images, les sons, et peut-être même d’autres modalités sensorielles. Nous pourrions voir émerger des assistants IA véritablement universels, capables de comprendre et de créer dans tous les formats de communication humaine.
Le montant investi témoigne aussi de la confiance des investisseurs les plus avisés de la planète. Andreessen Horowitz ne mise pas 2 milliards à la légère - ils voient quelque chose que nous ne voyons peut-être pas encore. Cette injection de capital pourrait accélérer de plusieurs années le développement de technologies qui transformeront positivement notre société.
Et surtout, cette réussite ouvre la voie à d’autres entrepreneurs talentueux, prouvant que l’innovation audacieuse est récompensée à sa juste valeur. C’est exactement le type d’investissement qui crée les révolutions technologiques !
Cette levée de fonds de 2 milliards illustre parfaitement les excès dangereux du marché technologique actuel. Nous assistons à la création d’une bulle spéculative qui rappelle étrangement les pires moments de l’histoire financière récente, de la bulle internet de 2000 à l’effondrement de Theranos.
Comment peut-on justifier une valorisation de 12 milliards de dollars pour une entreprise sans produit, sans équipe constituée, sans revenus et sans même une stratégie commerciale claire ? Cette situation révèle un marché déconnecté de toute réalité économique fondamentale. Les investisseurs semblent parier uniquement sur la réputation et les connexions personnelles, créant un système où le “qui vous connaissez” prime sur le “ce que vous créez”.
Le marché de l’IA générative est déjà saturé de concurrents utilisant des technologies similaires et atteignant des niveaux de performance comparables. Ajouter un énième acteur avec une approche “multimodale” - un terme devenu le nouveau buzzword à la mode - ne garantit aucun avantage concurrentiel durable. Google, Microsoft, Meta et d’autres géants disposent de ressources infiniment supérieures et d’une base d’utilisateurs établie.
Cette inflation des valorisations crée des attentes irréalistes qui mènent inévitablement à des déceptions. Quand l’entreprise de Murati ne parviendra pas à générer les retours sur investissement espérés - ce qui est statistiquement probable - les conséquences se répercuteront sur tout l’écosystème technologique.
Pire encore, cette approche du financement détourne des ressources qui pourraient être investies dans des innovations plus pragmatiques et des entreprises qui résolvent des problèmes concrets. Nous créons une économie de casino technologique où les paris remplacent la création de valeur réelle.
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