Patrick Bélanger
Article en référence: https://www.youtube.com/watch?v=0dabxzcJw0w
Selon un récent reportage de Bloomberg, les agents d’intelligence artificielle, notamment l’Operator d’OpenAI, peinent à accomplir des tâches relativement simples comme la réservation d’un vol. Cette information a suscité de nombreuses réactions sur Reddit, où les utilisateurs débattent de l’efficacité réelle de ces technologies.
L’Operator d’OpenAI est un “agent” d’IA, c’est-à-dire un système conçu pour interagir avec des interfaces informatiques et accomplir des tâches à la place d’un humain. Contrairement aux chatbots traditionnels qui se contentent de répondre à des questions, ces agents sont censés pouvoir naviguer sur le web, manipuler des applications et exécuter des actions complexes en plusieurs étapes.
Actuellement, OpenAI présente Operator comme une “preview de recherche”, indiquant qu’il s’agit d’une technologie encore en développement. Le système est basé sur GPT-4o, leur modèle de langage le plus avancé, mais semble rencontrer des difficultés significatives pour gérer la complexité des interfaces de réservation de vols et les multiples variables à prendre en compte.
Plusieurs experts du secteur, dont une partenaire de Lux Capital interviewée par Bloomberg, suggèrent que si les agents d’IA peinent actuellement à livrer une valeur concrète aux utilisateurs individuels, ils commencent néanmoins à montrer leur utilité dans certains contextes d’entreprise plus spécifiques.
La situation actuelle des agents d’IA reflète parfaitement le cycle d’adoption typique des nouvelles technologies. Nous sommes manifestement dans ce que Gartner appelle le “pic des attentes démesurées”, où l’enthousiasme initial se heurte à la réalité des limitations techniques.
Les agents comme Operator représentent une première génération de technologies qui n’existaient même pas il y a six mois. Il est donc normal qu’ils ne soient pas encore parfaitement fonctionnels. L’histoire des technologies nous enseigne que les premières itérations sont rarement celles qui connaissent le succès commercial.
La réservation d’un vol n’est pas une tâche aussi simple qu’elle pourrait paraître. Elle implique de naviguer à travers des interfaces complexes, de comprendre des règles tarifaires variables, d’interpréter correctement les préférences de l’utilisateur et de prendre des décisions qui peuvent avoir des conséquences financières importantes. Même pour un humain, cette tâche peut s’avérer frustrante.
La question n’est pas tant de savoir si ces agents fonctionnent parfaitement aujourd’hui, mais plutôt à quelle vitesse ils vont s’améliorer. L’approche la plus raisonnable consiste à reconnaître leurs limitations actuelles tout en observant attentivement leur évolution. Les entreprises qui investissent dans ces technologies doivent faire preuve de patience et se préparer à une période d’ajustement avant d’en tirer une valeur substantielle.
Imaginez que vous décidiez d’embaucher un stagiaire pour vous aider dans votre quotidien. Ce stagiaire, appelons-le Olivier, est très enthousiaste mais n’a que 18 ans et n’a jamais travaillé auparavant.
Un jour, vous demandez à Olivier de vous réserver un vol pour Toronto. Vous lui donnez vos dates préférées, votre budget et quelques contraintes. Olivier, plein de bonne volonté, se met au travail.
Deux heures plus tard, il revient vers vous, l’air confus. “J’ai trouvé un vol, mais je ne suis pas sûr que ce soit le meilleur prix. Et puis, ils m’ont proposé une assurance, je ne savais pas si vous en vouliez une. Et il y avait aussi une option pour choisir votre siège, mais ça coûtait 25$ de plus. Et puis le site m’a déconnecté au moment de payer…”
Vous réalisez alors qu’Olivier a besoin de beaucoup plus d’encadrement que prévu. Vous passez donc du temps à lui expliquer comment naviguer sur les sites de réservation, quelles options privilégier, comment comparer les prix, etc.
Trois mois plus tard, Olivier est devenu étonnamment compétent. Il connaît vos préférences, sait quels sites consulter, et peut désormais réserver un vol en 15 minutes sans se tromper.
Les agents d’IA comme Operator sont un peu comme Olivier à son premier jour. Ils ont du potentiel, mais manquent encore d’expérience et d’encadrement. La différence, c’est qu’Olivier n’apprend qu’à partir de ses propres expériences, tandis que les systèmes d’IA peuvent potentiellement apprendre de millions d’interactions simultanées.
Nous assistons aux premiers balbutiements d’une révolution qui va transformer radicalement notre façon d’interagir avec la technologie. Les difficultés actuelles d’Operator pour réserver un vol ne sont que des obstacles temporaires sur la voie d’une autonomie numérique sans précédent.
Rappelons-nous que les premiers assistants vocaux comme Siri étaient considérés comme des gadgets amusants mais peu utiles à leurs débuts. Aujourd’hui, ils font partie intégrante de notre quotidien. De même, les agents d’IA vont rapidement évoluer pour devenir indispensables.
La “leçon amère” de l’intelligence artificielle, comme l’a souligné un utilisateur de Reddit, est que les solutions simples mais évolutives finissent toujours par surpasser les approches sur mesure. Plutôt que de créer des agents spécialisés pour chaque tâche, les modèles généraux comme GPT-5 vont continuer à s’améliorer jusqu’à pouvoir accomplir pratiquement n’importe quelle tâche numérique.
Dans deux à trois ans, nous aurons des agents capables non seulement de réserver des vols sans erreur, mais aussi de gérer l’ensemble de notre vie numérique : planifier nos voyages, organiser nos finances, rédiger nos emails, et même anticiper nos besoins avant que nous les exprimions. Les entreprises qui investissent aujourd’hui dans ces technologies, malgré leurs imperfections, seront les leaders de demain.
La véritable valeur de ces agents ne réside pas dans leur capacité à accomplir des tâches isolées, mais dans leur potentiel à nous libérer du fardeau cognitif lié à la gestion de notre vie numérique, nous permettant de nous concentrer sur ce qui compte vraiment : la créativité, les relations humaines et l’innovation.
L’enthousiasme démesuré autour des agents d’IA masque une réalité bien plus sobre : nous sommes face à une nouvelle bulle technologique, similaire à celle des cryptomonnaies ou de la bulle internet des années 2000.
Les entreprises comme OpenAI commercialisent prématurément des technologies à peine fonctionnelles, présentées comme des “previews de recherche” pour se prémunir contre les critiques légitimes. Cette stratégie leur permet de capitaliser sur l’engouement médiatique tout en évitant de répondre aux questions sur l’utilité réelle de leurs produits.
Le problème fondamental est que les modèles de langage, même les plus avancés, ne sont pas conçus pour l’action autonome. Ils excellent dans la génération de texte cohérent, mais échouent systématiquement lorsqu’il s’agit de comprendre le contexte complexe du monde réel et d’y réagir de manière appropriée.
Les “derniers kilomètres” de l’autonomie artificielle sont infiniment plus difficiles que ce que les optimistes veulent nous faire croire. Le fossé entre un système capable de générer du contenu de qualité et un acteur autonome fiable est immense. Les promesses d’agents pleinement fonctionnels dans un an ou deux sont irréalistes ; nous parlons plutôt d’une décennie ou plus.
Pendant ce temps, des ressources considérables sont détournées vers ces technologies spéculatives, au détriment de solutions plus pragmatiques et immédiatement utiles. Les entreprises qui misent tout sur ces agents risquent de se retrouver avec des investissements massifs dans des technologies qui ne tiendront jamais leurs promesses, tandis que les utilisateurs continueront à réserver leurs vols eux-mêmes, comme ils l’ont toujours fait.
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