Patrick Bélanger
Article en référence: https://www.reddit.com/gallery/1jv3110
Une tendance fascinante a émergé sur Reddit où les utilisateurs partagent des images générées par l’IA (Intelligence Artificielle) représentant des personnages fictifs comme des personnes réelles jouant à leurs propres jeux vidéo. La publication originale montre plusieurs exemples, notamment Duke Nukem fumant un cigare devant un PC des années 90, Lara Croft jouant à Tomb Raider sur PlayStation 1, Ash de Pokémon, et des personnages de Street Fighter jouant à leur propre jeu sur une console Sega Mega Drive.
Ces images sont créées à l’aide d’outils d’IA générative comme DALL-E ou Midjourney, qui transforment des descriptions textuelles (prompts) en images. Les utilisateurs ont partagé un modèle de prompt qui fonctionne particulièrement bien:
[Personnage] en tant que personne réelle jouant à [jeu] sur [console/PC]. Toute la scène se déroule dans les années 90 et semble avoir été prise avec un appareil photo d’époque avec une source de lumière derrière le photographe.
Les commentaires révèlent que certaines demandes sont rejetées pour des raisons de droits d’auteur, notamment celles impliquant des personnages très connus comme ceux de Final Fantasy VII. Les utilisateurs partagent également des astuces pour contourner ces limitations, comme utiliser l’expression “inspiré par” ou décrire les personnages sans les nommer directement.
Cette tendance illustre l’évolution rapide des capacités des IA génératives d’images, capables désormais de créer des représentations photoréalistes de personnages fictifs dans des contextes spécifiques, tout en respectant les codes visuels d’une époque particulière.
Cette tendance de “personnages fictifs jouant à leurs propres jeux” représente un moment intéressant dans l’évolution de notre relation avec l’IA générative. Ni révolutionnaire ni anodine, elle illustre comment nous commençons à utiliser ces outils pour explorer des concepts métaréférentiels et nostalgiques qui nous amusent collectivement.
Ce phénomène reflète notre fascination pour la méta-narration - l’idée qu’un personnage puisse exister à la fois dans et en dehors de son univers. C’est une forme d’expression créative qui n’aurait pas été accessible au grand public il y a seulement quelques années. Aujourd’hui, n’importe qui peut transformer une idée amusante en image convaincante en quelques secondes.
Les défis liés aux droits d’auteur que rencontrent certains utilisateurs montrent les limites actuelles de ces technologies. Les systèmes d’IA tentent de trouver un équilibre entre permettre la créativité et respecter la propriété intellectuelle, avec des résultats parfois incohérents. Cette situation reflète les questions non résolues concernant l’utilisation équitable, la transformation créative et les droits des créateurs originaux.
Ces images ne sont ni le début d’une révolution artistique ni la fin de la créativité humaine. Elles représentent plutôt une nouvelle forme d’expression collaborative où l’humain fournit l’idée conceptuelle et l’IA exécute la réalisation technique. Cette collaboration homme-machine continuera probablement à évoluer, redéfinissant progressivement nos attentes en matière de création visuelle.
Imaginez que vous êtes au Salon du livre de Montréal et que vous tombez sur un kiosque étrange. Un homme avec une longue barbe blanche vous invite à participer à une expérience unique: “Donnez-moi le nom de votre personnage de roman préféré et je vous montrerai comment il lirait son propre livre!”
Intrigué, vous répondez: “Sherlock Holmes.”
L’homme sourit, se tourne vers un appareil mystérieux ressemblant à un mélange entre une vieille machine à écrire et un projecteur de diapositives. Il tape quelques mots, tire un levier, et voilà! Une photo apparaît montrant un homme distingué avec une pipe, assis dans un fauteuil en cuir usé, lisant “Une étude en rouge” avec une expression mi-amusée, mi-critique. L’image a cette qualité granuleuse des photos des années 1890.
“C’est incroyable!” vous exclamez-vous. “Comment faites-vous ça?”
“C’est simple,” répond l’homme. “J’ai un petit lutin très talentueux qui dessine très vite dans cette boîte.”
Vous riez, mais demandez quand même: “Non, sérieusement?”
“D’accord,” concède-t-il. “C’est comme si j’avais engagé des milliers d’artistes qui ont étudié des millions de photos et d’illustrations pendant des années. Maintenant, quand je leur décris ce que je veux, ils peuvent le dessiner instantanément en combinant tout ce qu’ils ont appris.”
“Et si je demande quelque chose d’impossible?”
“Comme Michel Tremblay lisant ‘Les Belles-sœurs’ tout en mangeant de la poutine sur le Mont-Royal en 1975?” demande-t-il avec un clin d’œil.
“Exactement!”
“Eh bien, mes artistes invisibles feront de leur mieux, mais ils pourraient confondre Michel Tremblay avec Michel Côté, ou transformer la poutine en quelque chose qui ressemble plus à un pâté chinois. Ils sont talentueux, mais pas parfaits!”
C’est essentiellement ce qui se passe avec cette tendance Reddit - sauf que le barbu du Salon du livre est remplacé par une interface web, et les milliers d’artistes invisibles par des algorithmes d’IA qui ont “étudié” des milliards d’images.
Cette tendance ludique de personnages fictifs jouant à leurs propres jeux vidéo représente bien plus qu’un simple divertissement - c’est une fenêtre sur l’incroyable potentiel démocratisant de l’IA générative! Nous assistons à la naissance d’une nouvelle forme d’expression créative accessible à tous, sans nécessiter des années de formation en arts visuels ou des logiciels coûteux.
Ce que nous voyons ici n’est que la pointe de l’iceberg. Imaginez les possibilités pour l’industrie du divertissement québécoise! Nos créateurs de contenu pourront bientôt conceptualiser et visualiser des personnages, des décors et des scènes entières en quelques secondes, accélérant considérablement le processus créatif. Un scénariste travaillant sur une série comme “District 31” pourrait instantanément générer des storyboards pour aider à communiquer sa vision.
Pour notre patrimoine culturel, c’est une révolution en devenir. Imaginez pouvoir visualiser des personnages historiques québécois dans des contextes contemporains, ou recréer des scènes de notre histoire collective avec un réalisme saisissant. Les musées et institutions éducatives pourraient offrir des expériences immersives inédites.
Les défis actuels liés aux droits d’auteur seront certainement résolus à mesure que la technologie et la législation évolueront. Nous verrons émerger de nouveaux modèles économiques qui permettront aux créateurs originaux d’être justement rémunérés tout en permettant ces formes de création dérivée.
Cette tendance n’est pas la fin de la créativité humaine - c’est son amplification! L’IA ne remplace pas l’imagination; elle lui donne des ailes. Et pour le Québec, avec sa riche tradition d’innovation culturelle et technologique, c’est une opportunité extraordinaire de se positionner à l’avant-garde de cette nouvelle renaissance créative.
Cette mode des personnages fictifs générés par IA illustre parfaitement la pente glissante sur laquelle nous nous engageons collectivement. Derrière ces images apparemment inoffensives se cachent des problèmes profonds que nous préférons ignorer.
D’abord, considérons la question des droits d’auteur. Ces images exploitent sans vergogne la propriété intellectuelle de créateurs qui ont investi des années dans le développement de ces personnages. Le fait que certaines demandes soient rejetées pour violation de droits d’auteur, tandis que d’autres passent simplement en reformulant le prompt, démontre l’inefficacité des garde-fous actuels. Pour notre industrie culturelle québécoise, déjà fragile face aux géants américains, c’est un précédent inquiétant.
Plus préoccupant encore est l’impact sur les artistes humains. Ces images qui semblent magiquement apparaître en quelques secondes représentent en réalité le travail non rémunéré de milliers d’artistes dont les œuvres ont été utilisées pour entraîner ces IA. Pour chaque image générée gratuitement, combien d’illustrateurs québécois perdent une opportunité de travail rémunéré?
La facilité avec laquelle ces images sont produites banalise également le travail créatif. Pourquoi apprécier le talent d’un artiste quand une machine peut produire quelque chose de “suffisamment bon” instantanément? Cette dévaluation du travail créatif humain aura des conséquences culturelles profondes à long terme.
Enfin, remarquons l’uniformité esthétique de ces images. Malgré leur apparente diversité, elles partagent toutes une certaine “saveur IA” - une homogénéisation subtile mais réelle de l’expression visuelle. À mesure que nous nous habituons à cette esthétique algorithmique, ne risquons-nous pas de perdre la richesse et la diversité des styles artistiques humains, particulièrement ceux qui définissent notre identité culturelle québécoise?
Ce n’est pas de l’innovation que nous voyons ici, mais plutôt le début d’une érosion culturelle dont nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences.
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