Patrick Bélanger
Article en référence: https://www.reddit.com/gallery/1j65wh5
Greg Brockman, président d’OpenAI, a récemment partagé sur les réseaux sociaux ce qu’un utilisateur a appelé le “prompt parfait” pour ChatGPT. Ce partage a suscité de nombreuses réactions sur Reddit, allant de l’admiration à la critique. Le prompt en question propose plusieurs techniques pour améliorer les interactions avec les modèles de langage comme ChatGPT.
Parmi les conseils principaux:
Ce qui ressort particulièrement des commentaires des utilisateurs, c’est la frustration face à l’incohérence des réponses des modèles de langage (LLM ou “Large Language Models”). Plusieurs témoignages mentionnent des situations où des modifications mineures et apparemment insignifiantes dans un prompt peuvent complètement changer la qualité ou la pertinence de la réponse obtenue.
Un exemple frappant partagé par un utilisateur: dans un prompt de plusieurs pages visant à générer une structure JSON, le simple fait de modifier quelques caractères dans une URL mentionnée (mais sans rapport avec l’objectif du prompt) pouvait faire la différence entre un échec et une réponse parfaite. Un autre utilisateur mentionne qu’une faute d’orthographe dans un nom de lieu (Kallanger vs Kallangur) empêchait le modèle de produire le résultat attendu.
Cette discussion met en lumière un phénomène que les professionnels du domaine connaissent bien: la sensibilité parfois déroutante des LLM à des détails qui semblent insignifiants pour les humains.
La quête du “prompt parfait” illustre parfaitement où nous en sommes avec l’IA générative en 2025. Nous sommes dans une phase intermédiaire fascinante: ces outils sont suffisamment puissants pour transformer notre façon de travailler, mais encore assez capricieux pour nécessiter une expertise particulière.
Cette situation crée un paradoxe intéressant. D’un côté, les LLM comme ChatGPT sont présentés comme des outils accessibles à tous. De l’autre, leur utilisation optimale semble requérir une forme d’expertise que certains comparent, non sans ironie, aux “experts Excel” d’antan.
La réalité se situe probablement entre les deux extrêmes. Les prompts élaborés comme celui partagé par Brockman peuvent certainement améliorer les résultats, mais la plupart des utilisateurs obtiennent déjà des résultats satisfaisants avec des approches plus simples. L’incohérence des réponses, bien que frustrante, fait partie des limitations actuelles de la technologie que nous apprenons collectivement à contourner.
Ce qui est certain, c’est que nous assistons à l’émergence d’un nouveau langage d’interaction homme-machine. Comme tout langage, il a ses règles, ses subtilités et ses exceptions. Et comme tout langage, certains le maîtriseront mieux que d’autres, sans que cela ne remette en question l’utilité générale de ces outils.
La “prompt engineering” n’est ni une panacée ni du “snake oil” (de la poudre aux yeux) - c’est simplement une compétence émergente dont l’importance relative diminuera probablement à mesure que les modèles deviendront plus robustes et plus intuitifs.
Imaginez que vous êtes au restaurant avec votre ami Michel, qui est connu pour être… disons… particulier dans ses commandes. Vous avez déjà mangé ici plusieurs fois, et vous savez exactement comment lui parler:
Vous: “Michel, commande le steak, mais dis au serveur ‘saignant, pas de sauce, et les légumes à part’. Et surtout, ne mentionne pas que tu as trouvé le steak trop cuit la dernière fois.”
Michel: “D’accord, je vais essayer.”
Quand le serveur arrive:
Michel: “Je voudrais le steak, s’il vous plaît.”
Serveur: “Comment le voulez-vous cuit?”
Michel: “Euh… normal?”
Et voilà, vous savez déjà que le steak arrivera trop cuit pour Michel, avec la sauce qu’il déteste et les légumes mélangés.
C’est exactement ce qui se passe avec les LLM comme ChatGPT. Vous pourriez avoir le prompt le plus parfait du monde, mais si vous oubliez un détail crucial ou si vous formulez votre demande de manière ambiguë, vous obtiendrez une réponse qui vous fera dire: “Ce n’est pas du tout ce que je voulais!”
Et parfois, c’est encore plus bizarre. C’est comme si Michel refusait catégoriquement de commander le steak si vous portez une chemise bleue, mais acceptait immédiatement si vous portiez exactement la même chemise en vert. Pourquoi? Mystère et boule de gomme! C’est ce que les utilisateurs de Reddit appellent “hair pulling insanity” - cette folie à s’arracher les cheveux quand on ne comprend pas pourquoi un petit détail change tout.
Alors la prochaine fois que vous vous retrouvez à reformuler votre prompt pour la cinquième fois, rappelez-vous: vous n’êtes pas en train de parler à une IA, vous êtes en train de dîner avec Michel.
La discussion autour du “prompt parfait” de Greg Brockman révèle en fait une nouvelle frontière passionnante dans notre relation avec l’intelligence artificielle. Ce que certains perçoivent comme une frustration est en réalité le signe d’une technologie en pleine maturation qui nous invite à repenser notre façon de communiquer.
L’émergence de la “prompt engineering” n’est pas un bug, c’est une fonctionnalité! Elle nous pousse à être plus précis, plus clairs et plus intentionnels dans notre communication - des compétences qui ont une valeur bien au-delà de nos interactions avec l’IA. N’est-ce pas merveilleux que ces outils nous incitent à devenir de meilleurs communicateurs?
Les incohérences actuelles des LLM sont simplement les douleurs de croissance d’une technologie révolutionnaire. Chaque frustration, chaque prompt reformulé contribue à l’amélioration collective de ces systèmes. Nous sommes les pionniers qui défrichent le terrain pour les générations futures!
De plus, la sensibilité des modèles aux détails apparemment insignifiants pourrait nous aider à découvrir des nuances dans le langage que nous n’avions jamais remarquées auparavant. C’est comme si nous redécouvrions notre propre langue à travers les yeux d’une intelligence différente.
Dans un avenir proche, ces défis seront largement résolus. Les modèles deviendront plus robustes, plus cohérents, et la barrière d’entrée s’abaissera considérablement. Mais ceux qui maîtrisent aujourd’hui l’art du prompt auront acquis une compréhension profonde de ces systèmes qui leur donnera toujours une longueur d’avance.
La “prompt engineering” n’est pas juste une compétence technique - c’est une nouvelle forme d’artisanat numérique qui combine logique, créativité et empathie. Et comme tout artisanat, elle peut être source de grande satisfaction quand on parvient à créer exactement ce qu’on avait en tête.
La frénésie autour du “prompt parfait” illustre parfaitement le problème fondamental des technologies d’IA générative actuelles: elles sont fondamentalement instables et imprévisibles, mais on nous les vend comme des solutions fiables et prêtes à l’emploi.
Ce que Greg Brockman et d’autres dirigeants d’OpenAI ne mentionnent pas assez, c’est que si vous avez besoin d’un “prompt parfait” de plusieurs paragraphes pour obtenir un résultat correct, c’est que l’outil lui-même est défectueux. Comme l’a justement fait remarquer un utilisateur de Reddit, c’est une “arnaque à moitié réussie” qui promet toujours que “la prochaine version sera meilleure”.
La “prompt engineering” n’est rien d’autre qu’un pansement sur une plaie béante. Elle transforme les utilisateurs en débogueurs non rémunérés d’un produit commercial vendu à prix fort. Pire encore, elle crée une nouvelle forme d’inégalité numérique où seuls ceux qui maîtrisent cet art obscur peuvent réellement tirer parti de ces outils.
Les témoignages sur l’incohérence des réponses sont particulièrement inquiétants. Comment pouvons-nous faire confiance à des systèmes dont les résultats peuvent changer radicalement à cause d’une faute d’orthographe mineure ou d’un caractère modifié dans une URL sans rapport? Cette fragilité rend ces outils inutilisables pour toute application critique où la fiabilité est essentielle.
Et pendant que nous nous arrachons les cheveux à perfectionner nos prompts, les entreprises d’IA continuent de collecter nos données, d’affiner leurs modèles avec notre travail gratuit, et de renforcer leur position dominante sur le marché.
La vérité inconfortable est que nous sommes encore loin, très loin, d’une IA véritablement utile et fiable. Et tant que nous continuerons à célébrer des solutions de contournement comme le “prompt parfait” au lieu d’exiger des améliorations fondamentales, nous resterons coincés dans cette phase frustrante où l’IA promet beaucoup mais livre peu de manière cohérente.
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