L IA nous rend-elle moins intelligents? Entre ceux qui l utilisent comme béquille et ceux qui l exploitent comme tremplin, la vraie question n est pas ce que l IA peut faire pour nous, mais ce qu elle nous fait. #IA #ChatGPT #PenséeCritique

Article en référence: https://www.theguardian.com/technology/2025/apr/19/dont-ask-what-ai-can-do-for-us-ask-what-it-is-doing-to-us-are-chatgpt-and-co-harming-human-intelligence

Récapitulatif factuel

L’article du Guardian intitulé “Don’t ask what AI can do for us, ask what it is doing to us” soulève des questions fondamentales sur l’impact des intelligences artificielles comme ChatGPT sur notre intelligence humaine. La discussion Reddit qui en découle révèle plusieurs perspectives importantes sur cette problématique contemporaine.

Les modèles de langage (LLM - Large Language Models) comme ChatGPT, Claude ou Gemini sont au cœur du débat. Ces systèmes d’IA sont capables de générer du texte semblable à celui d’un humain en se basant sur d’immenses quantités de données textuelles préalablement analysées. Contrairement aux outils d’IA spécialisés (comme ceux pour le repliement des protéines ou la conception de réacteurs à fusion), ces LLM sont accessibles au grand public et influencent directement nos habitudes quotidiennes.

Plusieurs utilisateurs Reddit soulignent que l’IA est devenue un outil de contournement pour les étudiants qui, au lieu d’apprendre et de développer leurs compétences, utilisent ces technologies pour générer directement leurs travaux. Une distinction importante est faite entre l’utilisation de l’IA comme outil d’assistance (par exemple pour formater des citations) et son utilisation comme substitut à la réflexion personnelle.

D’autres commentateurs notent que l’IA répond à un besoin créé par la détérioration des espaces d’échange en ligne. Face à l’hostilité croissante sur les forums et à la “enshittification” (dégradation progressive) des moteurs de recherche, les LLM offrent une alternative pour obtenir des réponses, même si celles-ci doivent être vérifiées.

Le débat s’étend également à la question de l’éducation et de son adaptation nécessaire face à ces nouvelles technologies. Certains enseignants rapportent déjà observer des impacts négatifs sur le développement des compétences de recherche indépendante et de pensée critique chez leurs élèves.

Point de vue neutre

L’émergence des LLM comme ChatGPT représente une évolution technologique comparable à d’autres transitions majeures dans l’histoire humaine. Comme l’imprimerie, la calculatrice ou Internet avant eux, ces outils transforment notre rapport au savoir et à l’apprentissage, sans pour autant nous rendre collectivement plus intelligents ou plus stupides.

Ce qui se dessine, c’est plutôt une redistribution des compétences valorisées. La mémorisation et certaines formes de recherche documentaire perdent en importance, tandis que la capacité à formuler des questions pertinentes, à évaluer la qualité des informations et à synthétiser des connaissances gagne en valeur. Cette transition n’est ni bonne ni mauvaise en soi, mais elle exige une adaptation de nos systèmes éducatifs et de nos pratiques professionnelles.

L’IA générative agit comme un révélateur des faiblesses préexistantes dans notre écosystème informationnel. Si les étudiants se tournent massivement vers ChatGPT pour leurs travaux, cela interroge la pertinence des méthodes d’évaluation traditionnelles. Si les internautes préfèrent consulter une IA plutôt que des forums spécialisés, cela met en lumière la dégradation de ces espaces d’échange.

La vraie question n’est peut-être pas de savoir si l’IA nous rend plus ou moins intelligents, mais plutôt comment nous pouvons collectivement définir un nouveau rapport à la connaissance qui intègre ces outils sans renoncer à notre autonomie intellectuelle. Cela implique de repenser nos méthodes pédagogiques, nos critères d’évaluation et nos attentes sociales concernant ce que signifie “être intelligent” à l’ère de l’IA.

Comme toute technologie puissante, les LLM amplifient les tendances existantes : ils peuvent rendre les personnes curieuses encore plus efficaces dans leur apprentissage, tout en offrant aux autres un moyen facile d’éviter l’effort intellectuel. L’équilibre que nous trouverons collectivement déterminera l’impact à long terme de ces outils sur notre société.

Exemple

Imaginez un instant que vous soyez transporté dans une petite ville du Moyen Âge, où l’on vient tout juste d’installer la première bibliothèque publique. Vous entendriez probablement des conversations comme celle-ci :

Maître Gérard (artisan inquiet) : “Ces livres vont nous rendre paresseux ! Avant, les apprentis mémorisaient les techniques en observant pendant des années. Maintenant, ils prétendent tout apprendre en quelques heures de lecture !”

Dame Élisabeth (enthousiaste) : “Mais c’est merveilleux ! Mon fils peut maintenant accéder au savoir des plus grands savants sans quitter notre village !”

Frère Thomas (sceptique) : “Le problème, c’est que personne ne vérifie ce qui est écrit dans ces livres. J’en ai consulté un sur les plantes médicinales qui recommandait des remèdes dangereux !”

Le Bailli (pragmatique) : “Ce qui compte, c’est d’apprendre à distinguer les bons livres des mauvais. Et de comprendre que lire une technique n’est pas la même chose que de la maîtriser.”

Cinq siècles plus tard, remplacez “livres” par “ChatGPT” et la conversation reste étonnamment pertinente. Comme la bibliothèque médiévale, l’IA générative offre un accès sans précédent à l’information, mais ne garantit ni sa qualité, ni sa compréhension profonde.

La différence ? Notre bibliothèque moderne répond à vos questions, réécrit vos textes et fait même vos devoirs si vous le lui demandez. Imaginez un bibliothécaire médiéval qui, en plus de vous indiquer les livres, rédigerait votre correspondance et résoudrait vos problèmes mathématiques pendant que vous faites la sieste !

Cette analogie nous rappelle que chaque révolution dans l’accès au savoir suscite les mêmes craintes et les mêmes espoirs. La différence aujourd’hui réside dans la vitesse du changement et dans la capacité de l’outil à simuler non seulement l’accès à la connaissance, mais aussi son application.

Point de vue optimiste

L’avènement des LLM comme ChatGPT représente une démocratisation sans précédent de l’accès au savoir et à l’assistance intellectuelle ! Ces outils vont permettre à chacun de dépasser ses limites cognitives naturelles et d’accéder à des niveaux de productivité et de créativité jusqu’alors réservés à une élite.

Imaginez un monde où chaque élève québécois, quelle que soit son origine socio-économique, dispose d’un tuteur personnel disponible 24h/24, capable de s’adapter à son rythme d’apprentissage et à ses besoins spécifiques. Un monde où les barrières linguistiques s’effondrent, permettant aux francophones d’accéder instantanément à des connaissances produites en anglais, en mandarin ou en arabe.

Les LLM vont nous libérer des tâches cognitives répétitives et peu gratifiantes pour nous permettre de nous concentrer sur ce qui fait notre unicité : notre créativité, notre empathie, notre capacité à poser des questions inédites et à faire des connexions surprenantes. Loin de nous rendre paresseux, ces outils vont élever le niveau global de la conversation intellectuelle en rendant accessibles des concepts complexes au plus grand nombre.

L’éducation va se transformer pour valoriser non plus la mémorisation ou la reproduction de connaissances, mais la capacité à collaborer efficacement avec l’IA, à évaluer critiquement ses outputs et à l’utiliser comme tremplin pour des réflexions plus profondes. Les enseignants deviendront des guides qui aideront les élèves à développer une relation productive et équilibrée avec ces technologies.

Cette révolution cognitive va permettre des avancées spectaculaires dans tous les domaines, de la médecine à l’écologie, en passant par les sciences sociales. Des problèmes qui semblaient insolubles deviendront abordables grâce à cette amplification de notre intelligence collective. Plutôt que de nous rendre plus stupides, l’IA va nous rendre collectivement plus sages, à condition que nous apprenions à danser avec elle plutôt qu’à la craindre.

Point de vue pessimiste

L’invasion de notre espace mental par les LLM comme ChatGPT représente une menace sérieuse pour notre autonomie intellectuelle et notre capacité collective à penser par nous-mêmes. Ces systèmes, conçus par des entreprises dont l’objectif premier est le profit, sont en train de transformer subtilement mais profondément notre rapport au savoir.

Au Québec, où nous luttons déjà pour préserver notre identité culturelle et linguistique face à l’hégémonie anglophone, ces technologies majoritairement développées dans la Silicon Valley risquent d’accélérer l’uniformisation de la pensée selon des modèles américains. Les subtilités de notre français québécois et les spécificités de notre culture risquent d’être gommées par ces systèmes entraînés principalement sur des corpus anglophones.

Dans nos écoles et nos cégeps, nous observons déjà une érosion inquiétante des compétences fondamentales. Les étudiants, habitués à obtenir des réponses instantanées sans effort, perdent progressivement leur capacité à persévérer face à des problèmes complexes, à rechercher l’information de manière autonome et à développer une pensée critique. Cette “atrophie cognitive” est particulièrement préoccupante dans un contexte où la désinformation et les manipulations médiatiques se multiplient.

Les LLM créent l’illusion de la connaissance sans en fournir la substance. Ils produisent des textes qui semblent cohérents et informés, mais qui sont souvent truffés d’inexactitudes subtiles et de raisonnements fallacieux difficiles à détecter pour un non-expert. Cette pollution informationnelle rend de plus en plus ardue la distinction entre le vrai et le faux, entre l’expertise authentique et sa simulation.

À terme, nous risquons de voir émerger une société à deux vitesses : une petite élite qui saura utiliser ces outils tout en préservant son autonomie intellectuelle, et une majorité qui deviendra de plus en plus dépendante de ces systèmes pour penser, créer et décider. Cette nouvelle forme d’aliénation cognitive pourrait s’avérer bien plus insidieuse que les formes d’exploitation que nous avons connues jusqu’à présent, car elle touche à ce qui fait notre humanité même : notre capacité à penser par nous-mêmes.

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