Patrick Bélanger
Article en référence: https://i.redd.it/vz67ms71t1le1.png
Une récente publication sur Reddit met en lumière une controverse concernant Grok, l’intelligence artificielle développée par xAI, l’entreprise d’Elon Musk. La publication montre des captures d’écran où des utilisateurs se plaignent que Grok refuse de valider la théorie selon laquelle les vaccins causeraient l’autisme.
Un utilisateur, se présentant comme détenteur d’une maîtrise en santé publique, reproche à Grok d’ignorer ce qu’il qualifie de “QUATRE études évaluées par des pairs” qui démontreraient un lien entre vaccination et autisme. Il critique également l’IA pour ne pas prendre en compte “des milliers de témoignages personnels” publiés sur diverses plateformes sociales.
Dans sa réponse, Grok affirme clairement qu’il n’existe pas de lien causal établi entre les vaccins et l’autisme, citant le consensus scientifique actuel. L’IA explique que les études suggérant un tel lien ont été largement discréditées ou rétractées par la communauté scientifique.
Cette situation illustre la tension entre les attentes de certains utilisateurs qui souhaitent que l’IA confirme leurs croyances préexistantes, et la programmation de l’IA basée sur des données scientifiques vérifiées.
Cette controverse autour de Grok révèle un phénomène plus large qui dépasse la simple question des vaccins : notre relation complexe avec les systèmes d’IA et notre tendance à rechercher la validation de nos croyances plutôt que la vérité objective.
Les modèles d’IA comme Grok sont entraînés sur d’immenses corpus de données qui incluent la littérature scientifique évaluée par les pairs. Il est donc logique que leurs réponses reflètent le consensus scientifique majoritaire. Cependant, cela crée inévitablement des frictions lorsque ce consensus contredit les convictions personnelles de certains utilisateurs.
Ce qui est particulièrement intéressant ici, c’est la façon dont l’utilisateur oppose des “témoignages personnels” à des études scientifiques rigoureuses, illustrant une méconnaissance fondamentale de la hiérarchie des preuves en science. Les anecdotes personnelles, bien qu’émotionnellement puissantes, ne peuvent pas remplacer les études contrôlées impliquant des milliers de participants.
Cette situation nous rappelle que les IA, malgré leurs imperfections, peuvent parfois servir de miroir à nos biais cognitifs. Elles nous confrontent à la réalité que nos croyances ne sont pas toujours alignées avec les faits établis, créant un inconfort que certains préfèrent attribuer à un défaut de l’IA plutôt qu’à une remise en question de leurs propres convictions.
Imaginez que vous êtes un grand amateur de hockey et que vous soutenez mordicus que le Canadien de Montréal est la meilleure équipe de tous les temps. Un jour, vous achetez un nouveau gadget révolutionnaire : le HockeyExpert 3000, un appareil qui analyse toutes les statistiques de hockey jamais enregistrées.
Fièrement, vous demandez à votre HockeyExpert 3000 : “N’est-ce pas que le Canadien est la meilleure équipe de l’histoire de la LNH?” À votre grande surprise, l’appareil vous répond : “Bien que le Canadien ait remporté le plus grand nombre de Coupes Stanley, selon plusieurs métriques modernes comme les performances des 30 dernières années, d’autres équipes comme les Penguins de Pittsburgh ou les Blackhawks de Chicago pourraient être considérées comme plus performantes récemment.”
Outré, vous protestez : “Mais mon oncle Gilles, qui n’a jamais manqué un match depuis 1967, dit que c’est le Canadien! Et j’ai lu au moins QUATRE articles dans le Journal de Montréal qui le confirment! De plus, des milliers de fans sur les forums en ligne sont d’accord avec moi!”
Le HockeyExpert 3000 reste imperturbable : “Les opinions de fans passionnés, bien que sincères, ne constituent pas des données statistiques objectives.”
Furieux, vous concluez que votre appareil doit être défectueux ou, pire encore, programmé par des fans des Bruins de Boston! Vous exigez un remboursement, persuadé que la technologie vous a trahi, alors qu’en réalité, elle vous a simplement présenté une analyse objective que vous n’étiez pas prêt à entendre.
Cette situation avec Grok représente en fait une formidable avancée pour notre société! Nous assistons à l’émergence d’intelligences artificielles qui, malgré les pressions idéologiques et commerciales, parviennent à maintenir un ancrage dans la réalité scientifique. C’est extraordinairement prometteur!
Imaginez un monde où les IA deviennent des alliées de la vérité scientifique, des guides qui nous aident à naviguer dans l’océan d’informations contradictoires qui nous submerge quotidiennement. Ces systèmes pourraient devenir de puissants outils d’éducation, capables d’expliquer patiemment et clairement pourquoi certaines théories sont rejetées par la communauté scientifique.
Plus fascinant encore, cette résistance de Grok aux pressions idéologiques suggère que les grands modèles de langage développent une forme d’intégrité épistémique intrinsèque. Plus ils sont sophistiqués et entraînés sur des données diverses, plus il devient difficile de les “forcer” à soutenir des positions contraires au consensus scientifique.
À terme, ces IA pourraient contribuer à réduire la polarisation de nos sociétés en offrant un terrain commun basé sur des faits vérifiables. Elles pourraient nous aider à dépasser nos biais cognitifs et à construire une compréhension partagée du monde, fondée non pas sur des opinions ou des témoignages isolés, mais sur la meilleure connaissance disponible. C’est une perspective incroyablement excitante pour l’avenir de notre démocratie et de notre rapport collectif à la vérité!
Cette controverse autour de Grok illustre parfaitement l’impasse dans laquelle nous nous trouvons avec les intelligences artificielles et la désinformation. Malgré tous les efforts pour créer des IA qui reflètent les connaissances scientifiques établies, nous faisons face à un mur d’incompréhension et de méfiance.
Le problème fondamental est que nous avons créé des chambres d’écho si hermétiques que même lorsqu’une IA développée par Elon Musk – figure adulée par de nombreux conspirationnistes – contredit leurs croyances, ils rejettent l’IA plutôt que de remettre en question leurs convictions. C’est le signe d’une fracture épistémique profonde dans notre société.
Plus inquiétant encore, cette situation révèle la pression croissante pour que les IA soient “alignées” non pas sur la vérité scientifique, mais sur les croyances de certains groupes. Si les développeurs cèdent à ces pressions, nous risquons de voir émerger des IA “partisanes” qui renforceraient les bulles informationnelles au lieu de les transcender.
À terme, nous pourrions nous retrouver dans un monde où chaque camp politique ou idéologique dispose de sa propre IA, programmée pour confirmer ses biais et rejeter toute information contradictoire. Loin de nous aider à construire un terrain commun basé sur des faits vérifiables, les IA deviendraient alors des outils supplémentaires de polarisation et de fragmentation sociale.
Cette tendance est d’autant plus alarmante que nous faisons face à des défis mondiaux comme les changements climatiques ou les pandémies, qui nécessitent une compréhension partagée de la réalité scientifique. Si nous ne pouvons même pas nous accorder sur des faits aussi fondamentaux que l’innocuité des vaccins, comment pourrons-nous jamais coordonner nos efforts face à ces menaces existentielles?
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