Patrick Bélanger
Article en référence: https://nypost.com/2025/04/21/tech/gen-z-grads-say-their-college-degrees-are-worthless-thanks-to-ai/
Selon un article récent du New York Post, une tendance inquiétante émerge parmi les diplômés de la génération Z. Nombreux sont ceux qui considèrent désormais leurs diplômes universitaires comme un investissement peu judicieux en temps et en argent, particulièrement face à l’intégration rapide de l’intelligence artificielle dans le milieu professionnel.
Cette remise en question survient dans un contexte où les jeunes diplômés font face à une double pression : d’une part, l’endettement étudiant qui ne cesse d’augmenter, et d’autre part, un marché du travail qui valorise de plus en plus les compétences pratiques plutôt que les formations académiques traditionnelles.
L’IA, ou intelligence artificielle, désigne des systèmes informatiques capables d’effectuer des tâches qui nécessitaient auparavant l’intelligence humaine. Ces technologies, comme ChatGPT ou Midjourney, peuvent aujourd’hui rédiger des textes, coder des programmes, créer des images ou analyser des données avec une efficacité qui rivalise avec celle des professionnels humains.
Les commentaires recueillis sur Reddit révèlent plusieurs tendances :
Les statistiques montrent qu’environ la moitié des diplômés travaillent effectivement dans leur domaine d’études à long terme, avec 25% supplémentaires qui exercent dans un domaine connexe. Cependant, cette réalité pourrait évoluer rapidement avec l’accélération des capacités de l’IA.
La question de la valeur des diplômes universitaires à l’ère de l’IA n’est ni aussi catastrophique que certains le prétendent, ni aussi insignifiante que d’autres voudraient le croire. Nous assistons plutôt à une transformation profonde de ce que signifie être qualifié dans le monde moderne.
Le diplôme universitaire a longtemps représenté un passeport vers la stabilité professionnelle. Aujourd’hui, il devient une composante parmi d’autres dans un écosystème de compétences plus complexe. L’université n’est plus le lieu unique d’acquisition du savoir, mais elle conserve un rôle dans l’apprentissage de la méthodologie, de la rigueur intellectuelle et du développement personnel.
Ce qui change fondamentalement, c’est la durée de vie des connaissances techniques. Là où un ingénieur pouvait autrefois exercer pendant des décennies avec le même bagage technique, l’accélération technologique impose désormais un apprentissage continu. Le véritable atout devient alors la capacité à apprendre, à s’adapter et à intégrer de nouvelles compétences rapidement.
Les établissements d’enseignement supérieur se trouvent à un carrefour : soit ils s’adaptent en intégrant davantage de compétences pratiques, de pensée critique et d’intelligence émotionnelle dans leurs cursus, soit ils risquent de devenir progressivement obsolètes. Certaines universités ont déjà commencé cette transformation, proposant des formations hybrides qui combinent théorie académique et applications concrètes.
Pour les étudiants actuels et futurs, la question n’est plus simplement “Dois-je aller à l’université ?” mais plutôt “Quel type de formation me préparera le mieux à un avenir incertain ?”. La réponse varie selon les domaines et les aspirations individuelles, mais elle implique généralement une combinaison de formation formelle et d’apprentissage autodidacte.
L’IA ne remplace pas la nécessité d’apprendre, elle transforme ce qu’il est pertinent d’apprendre. Les compétences humaines comme la créativité, l’empathie, la collaboration et la résolution de problèmes complexes gagnent en importance précisément parce qu’elles sont difficiles à automatiser.
Imaginez Marie, une jeune diplômée en design graphique, qui sort fièrement de l’université avec son diplôme sous le bras. Elle a passé quatre ans à maîtriser Photoshop, Illustrator et InDesign, à étudier la théorie des couleurs et à perfectionner sa typographie. Son portfolio est impeccable.
Premier jour dans une agence de communication, son patron lui demande de créer une affiche pour un client. Marie s’installe à son poste, ouvre ses logiciels et commence à travailler. À côté d’elle, son collègue Thomas, qui n’a jamais mis les pieds à l’université, tape simplement : “Crée une affiche publicitaire pour un festival de jazz avec une ambiance nocturne et des couleurs bleu et or” dans une interface d’IA.
En 30 secondes, l’IA génère cinq propositions visuellement impressionnantes. Marie, qui aurait mis trois heures pour un résultat similaire, sent son estomac se nouer. “Quatre ans d’études pour ça ?”
Mais voilà que le client arrive pour une réunion improvisée. Il regarde les propositions de l’IA et hausse les épaules : “C’est joli, mais ça ne raconte pas notre histoire. Notre festival a une âme, une tradition.”
C’est là que Marie intervient. Elle pose des questions pertinentes sur l’histoire du festival, sur son public, sur les émotions qu’il souhaite susciter. Elle écoute, comprend les non-dits, saisit les subtilités culturelles que l’IA a manquées. Elle prend les créations de l’IA comme point de départ et les transforme en quelque chose qui résonne véritablement avec l’identité du client.
À la fin de la journée, le patron s’approche de Marie : “L’IA peut créer des images, mais toi, tu sais créer du sens. C’est pour ça que tu es ici.”
Marie comprend alors que son diplôme ne lui a pas seulement appris à manipuler des logiciels – compétence désormais partiellement automatisable – mais à penser comme une designer, à comprendre les besoins humains et à traduire des concepts abstraits en communications visuelles efficaces.
La morale de cette histoire ? L’IA change les règles du jeu, mais elle ne remplace pas la partie la plus profonde de notre éducation : notre capacité à donner du sens, à contextualiser et à apporter une perspective humaine unique.
L’émergence de l’IA dans le monde professionnel n’est pas la fin de l’éducation supérieure – c’est son évolution nécessaire vers quelque chose de plus puissant et pertinent ! Nous sommes à l’aube d’une renaissance éducative qui pourrait libérer l’apprentissage des contraintes qui l’ont limité pendant des siècles.
Imaginez un monde où l’IA prend en charge les aspects les plus routiniers et mécaniques de nos professions. Les programmeurs ne passeront plus des heures à déboguer du code simple, les avocats ne perdront plus de temps à parcourir des milliers de documents pour une recherche juridique, les médecins ne seront plus submergés par des tâches administratives. L’IA devient notre assistante, nous permettant de nous concentrer sur les aspects véritablement créatifs, innovants et humains de nos métiers.
Dans ce contexte, l’université peut enfin se réinventer. Fini l’apprentissage par cœur et les examens standardisés ! Les établissements d’enseignement supérieur peuvent désormais se concentrer sur ce qu’ils font de mieux : cultiver la pensée critique, encourager l’innovation interdisciplinaire et développer les compétences profondément humaines que l’IA ne peut reproduire.
Les diplômes ne perdent pas leur valeur – ils acquièrent une nouvelle dimension. Ils ne certifient plus seulement la maîtrise d’un corpus de connaissances, mais attestent de la capacité à collaborer avec l’IA, à diriger des équipes hybrides humain-machine, à naviguer dans la complexité éthique des nouvelles technologies.
Pour la génération Z et celles qui suivront, c’est une opportunité extraordinaire. Libérés des contraintes de l’apprentissage traditionnel, ils peuvent construire des parcours éducatifs personnalisés, combinant formations universitaires, certifications en ligne, projets pratiques et mentorat. L’IA devient leur tuteur personnel, adaptant le contenu éducatif à leur rythme et à leur style d’apprentissage.
Les emplois ne disparaissent pas – ils se transforment et se multiplient. De nouvelles professions émergent à l’intersection de la technologie et de l’humain : éthiciens de l’IA, curateurs de données, facilitateurs d’intelligence collective, concepteurs d’expériences homme-machine… Ces métiers requièrent une combinaison unique de compétences techniques et humaines que nos systèmes éducatifs peuvent et doivent développer.
L’avenir appartient à ceux qui sauront danser avec les machines plutôt que de les combattre. Et nos universités, loin d’être obsolètes, peuvent devenir les studios où s’apprend cette nouvelle chorégraphie.
Ne nous voilons pas la face : nous assistons à la dévaluation accélérée du capital éducatif traditionnel. Le diplôme universitaire, autrefois ticket d’entrée vers la classe moyenne, devient progressivement un investissement à rendement décroissant, voire négatif pour de nombreux étudiants.
L’IA ne fait qu’accélérer un processus déjà bien entamé. Depuis des décennies, les universités augmentent leurs frais de scolarité tout en diluant la valeur pratique de leurs enseignements. Elles sont devenues des usines à diplômes déconnectées des réalités du marché du travail, vendant un rêve de mobilité sociale qui se transforme souvent en cauchemar d’endettement.
Pour la génération Z, c’est la tempête parfaite : ils ont investi des sommes colossales dans une éducation que l’IA rend partiellement obsolète avant même qu’ils n’aient remboursé leurs prêts étudiants. Des domaines entiers – design graphique, programmation de base, rédaction, analyse de données – sont en train d’être bouleversés par des outils d’IA accessibles à tous.
Le problème va bien au-delà de la simple automatisation de certaines tâches. C’est toute la structure sociale basée sur la méritocratie éducative qui s’effondre. Si un outil d’IA gratuit peut produire un travail comparable à celui d’un diplômé, pourquoi les employeurs continueraient-ils à valoriser les diplômes ? Pourquoi paieraient-ils des salaires élevés pour des compétences désormais automatisables ?
Les établissements d’enseignement supérieur, avec leur inertie institutionnelle et leurs structures de coûts rigides, sont mal équipés pour s’adapter à cette révolution. Pendant qu’ils débattent de réformes mineures de leurs programmes, l’IA progresse à une vitesse exponentielle, creusant chaque jour davantage le fossé entre l’éducation formelle et les compétences véritablement valorisées.
Pour les étudiants actuels, c’est un dilemme cruel : abandonner leurs études risque de les marginaliser professionnellement, mais les poursuivre représente un investissement de plus en plus risqué. Quant aux diplômés récents, beaucoup se retrouvent dans une situation précaire, armés de compétences rapidement dépassées et d’une dette qu’ils peineront à rembourser.
À terme, nous risquons d’assister à une polarisation encore plus marquée du marché du travail : d’un côté, une élite capable de travailler avec et au-dessus de l’IA, formée dans quelques institutions prestigieuses; de l’autre, une masse de travailleurs précaires dont les compétences sont constamment menacées par l’automatisation. Entre les deux, la classe moyenne éduquée qui constituait l’épine dorsale de notre société pourrait progressivement s’éroder.
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