Patrick Bélanger
Article en référence: https://www.livemint.com/companies/news/klarnas-ai-replaced-700-workers-now-the-fintech-ceo-wants-humans-back-after-40b-fall-11747573937564.html
Klarna, une entreprise fintech spécialisée dans les services de paiement différé (« acheter maintenant, payer plus tard »), fait marche arrière après avoir remplacé 700 employés par de l’intelligence artificielle. Selon un article récent de LiveMint, le PDG de Klarna souhaite maintenant réintégrer des humains dans son service à la clientèle, reconnaissant que la qualité du service s’est détériorée depuis l’automatisation.
Cette décision intervient dans un contexte difficile pour l’entreprise, dont la valorisation a chuté de 45,6 milliards de dollars en 2021 à environ 6,7 milliards en 2022, avant de remonter partiellement à environ 15 milliards de dollars. Il est important de noter que cette chute de valorisation n’est pas directement liée à l’implémentation de l’IA, mais plutôt à des conditions de marché plus larges et à des préoccupations concernant son modèle d’affaires.
Le PDG de Klarna, Sebastian Siemiatkowski, a admis que l’entreprise avait trop misé sur les coûts comme facteur d’évaluation lors de la réorganisation de son service client, ce qui a entraîné une baisse de la qualité. L’entreprise teste maintenant un nouveau modèle où des travailleurs à distance, comme des étudiants ou des personnes en zones rurales, peuvent se connecter et fournir un service à la demande.
Pour ceux qui ne connaissent pas Klarna, il s’agit d’une entreprise qui permet aux consommateurs de répartir le coût de leurs achats en plusieurs versements, souvent sans intérêt. Ce modèle “acheter maintenant, payer plus tard” (BNPL ou “Buy Now, Pay Later” en anglais) a connu une forte croissance pendant la pandémie, mais suscite également des critiques pour son potentiel à encourager l’endettement non durable chez les consommateurs.
Cette situation illustre parfaitement le cycle d’engouement technologique que nous observons régulièrement. Les entreprises se précipitent pour adopter la dernière innovation - ici l’IA - sans nécessairement comprendre ses limites ou évaluer correctement son impact sur l’expérience client.
L’IA actuelle, malgré ses progrès impressionnants, reste fondamentalement un outil de prédiction basé sur des données existantes. Elle excelle dans certaines tâches répétitives et bien définies, mais peine encore à gérer les nuances, l’empathie et la résolution créative de problèmes que les humains maîtrisent naturellement. Ces qualités sont particulièrement cruciales dans le service à la clientèle, où les problèmes sont souvent complexes et chargés émotionnellement.
La décision de Klarna reflète une réalité que de nombreuses entreprises découvrent : l’IA n’est pas une solution miracle qui peut simplement remplacer les travailleurs humains. Elle est plutôt un outil qui, lorsqu’il est bien utilisé, peut augmenter les capacités humaines et permettre aux employés de se concentrer sur des tâches à plus forte valeur ajoutée.
Ce qui est particulièrement intéressant dans cette histoire, c’est que Klarna ne revient pas simplement à son modèle précédent. L’entreprise explore un modèle hybride avec des travailleurs à la demande, ce qui soulève d’autres questions sur la précarisation du travail et l’avenir de l’emploi. Nous assistons peut-être non pas à un rejet de l’automatisation, mais à une recalibration de la façon dont les technologies et les humains peuvent travailler ensemble efficacement.
Imaginez que vous dirigiez un restaurant gastronomique réputé pour son service attentionné. Un jour, vous décidez de remplacer tous vos serveurs par des robots dernier cri qui, selon le vendeur, peuvent tout faire : prendre les commandes, servir les plats, et même faire la conversation aux clients.
Au début, vous êtes ravi. Vos coûts ont diminué et les robots ne demandent jamais d’augmentation. Mais rapidement, les problèmes commencent. Madame Tremblay, cliente fidèle depuis 15 ans, demande si le saumon est frais aujourd’hui, et le robot lui récite la composition chimique du poisson. Monsieur Lavoie veut savoir si le chef peut adapter un plat pour son régime, et le robot répond invariablement “Erreur 404 : Modification non trouvée”.
Les clients commencent à se plaindre. Les réservations chutent. Votre restaurant, autrefois animé par les rires et les conversations, ressemble maintenant à une cafétéria d’entreprise silencieuse où des robots se déplacent mécaniquement entre les tables.
Finalement, vous réalisez votre erreur. Vous ne rappelez pas tous vos anciens serveurs à temps plein, mais vous mettez en place un système où des étudiants en hôtellerie peuvent venir travailler quelques heures quand le restaurant est plein. Les robots continuent à faire le gros du travail, mais un humain est toujours présent pour gérer les situations délicates.
C’est exactement ce que fait Klarna : reconnaître que parfois, rien ne remplace le contact humain, tout en essayant de trouver un équilibre économique qui fonctionne pour l’entreprise.
Cette situation représente en réalité une évolution naturelle et positive de notre relation avec l’IA ! Klarna n’abandonne pas l’intelligence artificielle - au contraire, l’entreprise affine son approche pour créer un système hybride plus efficace qui combine les forces de l’IA et des humains.
L’IA de Klarna a déjà démontré qu’elle pouvait gérer une grande partie du volume de service client, libérant ainsi les humains des tâches répétitives et peu gratifiantes. Maintenant, l’entreprise ajoute une couche d’interaction humaine pour les cas complexes qui nécessitent empathie et créativité. C’est exactement ainsi que l’IA devrait être utilisée : comme un amplificateur des capacités humaines, pas comme un remplacement.
Le modèle de travail à la demande que Klarna teste pourrait également créer de nouvelles opportunités d’emploi flexibles pour des personnes qui ne pourraient pas autrement participer au marché du travail traditionnel. Des étudiants, des parents à domicile ou des personnes vivant dans des régions éloignées pourraient maintenant avoir accès à des emplois bien rémunérés sans avoir à déménager ou à s’engager dans des horaires rigides.
À long terme, cette approche pourrait devenir un modèle pour d’autres entreprises : utiliser l’IA pour gérer le volume et la routine, tout en valorisant l’intervention humaine pour les interactions qui nécessitent jugement et empathie. Nous ne sommes pas en train d’assister à un échec de l’IA, mais plutôt à la naissance d’une nouvelle façon de travailler qui pourrait être plus efficace et plus humaine à la fois.
Cette histoire de Klarna illustre parfaitement la cupidité et la vision à court terme qui dominent le monde des affaires aujourd’hui. L’entreprise a licencié 700 personnes, bouleversant leurs vies et leurs moyens de subsistance, tout ça pour une promesse technologique non tenue.
Maintenant qu’ils ont constaté leur erreur, reviennent-ils en arrière et réembauchent-ils ces travailleurs avec des excuses et de meilleures conditions ? Non. Ils créent un système de travail “à la demande” précaire, sans sécurité d’emploi ni avantages sociaux. C’est essentiellement une “uberisation” du service client, où les travailleurs deviennent des contractuels disponibles au bon vouloir de l’entreprise.
Cette approche reflète une tendance plus large et inquiétante : les entreprises utilisent l’IA non pas pour améliorer les conditions de travail ou créer de meilleurs services, mais pour réduire les coûts et augmenter les profits, souvent au détriment des travailleurs et des consommateurs. Quand l’IA échoue, ce sont les travailleurs qui en paient le prix, pas les dirigeants qui ont pris ces décisions.
De plus, rien ne garantit que Klarna ne recommencera pas dès que l’IA sera “suffisamment bonne”. Cette situation n’est probablement qu’une pause temporaire dans leur quête d’automatisation totale. Les travailleurs qui accepteront ces emplois précaires aujourd’hui risquent fort de se retrouver à nouveau sans emploi dès que la technologie progressera.
Cette histoire nous rappelle que nous devons rester vigilants face aux promesses de l’IA et nous assurer que son déploiement se fait de manière éthique, avec une considération réelle pour son impact sur les travailleurs et la société dans son ensemble.
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