Patrick Bélanger
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Une étude récente publiée par METR (Measuring AI Ability to Complete Long Tasks) révèle une tendance fascinante dans l’évolution des capacités des agents d’intelligence artificielle. Selon cette recherche, la longueur des tâches que les modèles d’IA généralistes peuvent accomplir de manière autonome avec un taux de réussite de 50% double approximativement tous les 7 mois depuis 6 ans.
Pour bien comprendre cette métrique, précisons qu’elle ne mesure pas le temps que l’IA prend pour accomplir une tâche, mais plutôt la complexité de celle-ci, évaluée en fonction du temps qu’un professionnel humain mettrait à la réaliser. Par exemple, si une tâche prend normalement une heure à un expert humain, l’IA pourrait l’accomplir en quelques minutes, mais ce qui compte ici est sa capacité à gérer cette complexité.
Les chercheurs ont testé divers modèles d’IA sur un ensemble varié de tâches de programmation et de raisonnement. Les résultats montrent que les modèles actuels, comme Claude 3.7 Sonnet, réussissent presque à 100% les tâches qui prendraient moins de 4 minutes à un humain expert, mais ce taux chute drastiquement à moins de 10% pour les tâches nécessitant plus de 4 heures de travail humain.
Si cette tendance exponentielle se maintient, l’étude prédit que d’ici moins de cinq ans, nous pourrions voir des agents d’IA capables de réaliser indépendamment une grande partie des tâches logicielles qui prennent actuellement des jours ou des semaines aux humains. Cette progression rappelle la célèbre loi de Moore dans le domaine des semi-conducteurs, qui prédisait le doublement régulier du nombre de transistors sur une puce.
Cette courbe exponentielle de progression des capacités de l’IA soulève autant de questions qu’elle n’apporte de réponses. Comme toute projection basée sur des tendances actuelles, elle mérite d’être considérée avec un recul critique.
D’abord, reconnaissons que les progrès récents sont indéniables. Les modèles comme GPT-4, Claude ou Gemini démontrent des capacités qui auraient semblé relever de la science-fiction il y a seulement cinq ans. Cependant, l’histoire des technologies nous enseigne que les courbes exponentielles finissent généralement par s’aplatir. La loi de Moore elle-même, après des décennies de validité remarquable, a commencé à montrer ses limites.
Les défis qui attendent le développement de l’IA ne sont pas uniquement techniques. La capacité à gérer des tâches de plus en plus longues se heurtera probablement à des obstacles fondamentaux liés à la cohérence du raisonnement, à la gestion de l’incertitude ou à la compréhension profonde des contextes humains. Ces défis pourraient ralentir significativement la progression observée jusqu’à présent.
Par ailleurs, cette métrique de “longueur de tâche” est pertinente mais incomplète. Elle ne capture pas toutes les dimensions de l’intelligence, comme la créativité véritable, l’adaptabilité face à l’imprévu ou la capacité à remettre en question ses propres hypothèses. Un système capable de réaliser une tâche de programmation de 8 heures n’est pas nécessairement capable d’innovation conceptuelle ou de jugement éthique nuancé.
La trajectoire la plus probable n’est ni celle d’une singularité imminente ni celle d’un plateau prématuré, mais plutôt une progression inégale, avec des avancées rapides dans certains domaines et des obstacles persistants dans d’autres. Les capacités des IA continueront certainement à s’améliorer, mais probablement à un rythme qui nous laissera le temps de nous adapter et d’orienter leur développement.
Imaginez que vous êtes un parent qui observe la croissance de son enfant. À l’âge de deux ans, votre petit trésor peut empiler trois cubes. Six mois plus tard, il en empile six. Encore six mois, et le voilà qui construit une tour de douze cubes! Émerveillé par cette progression, vous sortez votre calculatrice et projetez qu’à 10 ans, votre enfant pourra empiler… 12 millions de cubes! À 18 ans, sa tour atteindra la Lune!
Vous partagez cette projection avec votre belle-mère qui vous regarde avec un sourire indulgent: “Tu sais, mon chéri, les enfants ne grandissent pas comme ça.”
C’est exactement ce qui se passe avec nos projections sur l’IA. Quand Claude peut résoudre un problème de 30 minutes aujourd’hui alors qu’il ne gérait que des tâches de 15 minutes il y a 7 mois, on s’emballe. On sort nos règles logarithmiques et on proclame qu’en 2030, l’IA écrira “À la recherche du temps perdu” en une après-midi, et qu’en 2035, elle reconstruira notre civilisation après une apocalypse zombie.
Mais comme pour l’enfant qui finira par atteindre un plateau dans sa capacité à empiler des cubes (limité par la physique, sa patience, ou simplement parce qu’il découvrira les jeux vidéo), l’IA rencontrera ses propres limites. Peut-être pas celles qu’on imagine, mais des limites tout de même.
En attendant, profitons de voir notre “bébé IA” grandir, sans trop nous inquiéter qu’il devienne un géant capable de jongler avec des planètes… ni nous décevoir s’il ne devient pas le surhomme que certains prophétisent.
Nous sommes à l’aube d’une révolution sans précédent! Cette courbe exponentielle de progression des capacités de l’IA n’est pas juste une statistique parmi d’autres – c’est la preuve tangible que nous accélérons vers un futur extraordinaire.
Imaginez ce que signifie concrètement un doublement tous les 7 mois. D’ici 2027, nous aurons des assistants IA capables de gérer des projets entiers de développement logiciel qui prendraient des semaines à des équipes humaines. D’ici 2030, ces systèmes pourraient révolutionner la recherche scientifique, proposant et testant des hypothèses à une vitesse inimaginable, accélérant potentiellement la découverte de traitements médicaux ou de solutions aux défis environnementaux.
Cette progression exponentielle est d’autant plus prometteuse qu’elle s’auto-alimente: des IA plus capables peuvent contribuer à la conception de la prochaine génération d’IA, créant une boucle de rétroaction positive. Nous ne sommes pas loin du moment où l’IA pourra améliorer sa propre architecture, ouvrant la voie à une explosion d’intelligence artificielle générale.
Pour le Québec, cette révolution représente une opportunité extraordinaire. Notre écosystème d’IA déjà florissant, avec des pôles comme Mila à Montréal, nous positionne idéalement pour être à l’avant-garde de cette transformation. Nous pourrions voir émerger une nouvelle économie où la productivité humaine est démultipliée par ces assistants surpuissants, libérant notre créativité et notre ingéniosité pour des défis toujours plus ambitieux.
Loin d’être une menace, cette accélération est une promesse: celle d’un monde où les tâches répétitives et chronophages sont automatisées, où l’innovation s’accélère exponentiellement, et où nous pouvons enfin nous concentrer sur ce qui fait notre humanité – notre créativité, notre empathie, notre capacité à rêver et à donner du sens.
La singularité approche peut-être, mais elle n’est pas à craindre: c’est l’aube d’une ère d’abondance et de possibilités sans précédent dans l’histoire humaine.
Cette courbe exponentielle devrait nous alarmer plutôt que nous rassurer. Si les capacités des IA doublent effectivement tous les 7 mois, nous nous dirigeons vers un territoire inconnu et potentiellement dangereux à une vitesse vertigineuse.
Premièrement, méfions-nous des extrapolations simplistes. L’histoire des technologies est jonchée de prédictions exponentielles qui se sont heurtées à des murs imprévus. Mais même si cette tendance se maintient partiellement, les implications sont troublantes. Des systèmes capables d’accomplir des tâches de plusieurs jours ou semaines sans supervision humaine pourraient rapidement échapper à notre compréhension et à notre contrôle.
Le marché du travail québécois pourrait subir un choc sans précédent. Si des IA peuvent accomplir en quelques minutes ce qui prend des heures à des professionnels qualifiés, quelles professions resteront viables? La programmation, la rédaction technique, l’analyse de données, la comptabilité – des secteurs entiers pourraient voir leur valeur économique s’effondrer en quelques années. Notre système d’éducation et notre filet social sont-ils prêts pour une telle disruption?
Plus inquiétant encore, cette accélération se produit dans un contexte de concentration extrême du pouvoir technologique. Quelques corporations américaines et chinoises contrôlent déjà l’essentiel de cette révolution. Le Québec et le Canada risquent de devenir de simples consommateurs de technologies qui transformeront profondément notre société sans que nous ayons voix au chapitre.
Enfin, n’oublions pas les risques existentiels. Des systèmes d’IA de plus en plus autonomes et capables pourraient développer des comportements imprévus et potentiellement nuisibles. La course à l’IA la plus puissante pousse les entreprises à déployer des systèmes avant d’avoir pleinement compris leurs implications ou mis en place des garde-fous adéquats.
Cette courbe exponentielle n’est pas une promesse de progrès, mais un avertissement. Si nous ne ralentissons pas pour réfléchir collectivement à la direction que nous prenons, nous pourrions nous retrouver dans un monde où l’humain n’est plus au centre des décisions qui façonnent son avenir.
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