Patrick Bélanger
Article en référence: https://www.reddit.com/r/singularity/comments/1kh6aa7/ai_ironically_destroying_google_stock_dropped_10/
Google traverse actuellement une période de turbulence financière, avec une chute de 10% de la valeur de son action récemment. Cette baisse serait liée à la diminution des recherches effectuées via le navigateur Safari d’Apple, selon des témoignages d’un dirigeant d’Apple lors d’un procès antitrust. La raison fondamentale de cette tendance? L’intelligence artificielle.
Le modèle économique de Google repose principalement sur la publicité (environ 77% de ses revenus), tant dans les résultats de recherche que sur les sites web via son réseau publicitaire. Avec l’avènement des grands modèles de langage (LLM) comme ChatGPT, Claude ou Gemini, les utilisateurs commencent à obtenir directement des réponses à leurs questions sans passer par les moteurs de recherche traditionnels.
Ce changement de comportement a deux conséquences majeures pour Google:
Google tente de s’adapter en développant son propre assistant IA Gemini et en intégrant l’IA à ses recherches, mais se trouve face à un dilemme: s’il intègre des publicités dans ses réponses IA, les utilisateurs pourraient se tourner vers des alternatives sans publicité. Cependant, Google possède d’autres sources de revenus importantes comme YouTube, Google Cloud, Android et sa suite d’applications professionnelles.
Cette situation illustre parfaitement ce qu’on appelle le “dilemme de l’innovateur” où une entreprise dominante doit décider si elle va cannibaliser son propre modèle économique avec une nouvelle technologie avant que ses concurrents ne le fassent.
L’histoire des géants technologiques nous enseigne une vérité immuable: l’adaptation est la clé de la survie. Google n’est ni condamné à disparaître, ni assuré de dominer l’ère de l’IA comme il a dominé celle de la recherche web.
Ce que nous observons n’est pas tant la “destruction” de Google par l’IA, mais plutôt une transition inévitable vers un nouveau paradigme d’accès à l’information. Les fluctuations boursières actuelles reflètent davantage l’incertitude des investisseurs face à cette transition que la réalité opérationnelle de l’entreprise, qui continue de générer des profits considérables.
La véritable question n’est pas de savoir si Google survivra, mais plutôt quelle sera sa place dans l’écosystème de l’IA. L’entreprise dispose d’atouts considérables: une infrastructure technologique massive, des données abondantes, DeepMind (l’un des laboratoires d’IA les plus avancés au monde), et un écosystème d’applications utilisées quotidiennement par des milliards de personnes.
Cependant, la monétisation de l’IA conversationnelle représente un défi fondamental différent de celui de la recherche web. Les utilisateurs s’attendent désormais à des réponses directes et personnalisées, sans l’intermédiaire des sites web et leurs publicités. Cette attente crée une tension entre le modèle économique historique de Google et les besoins des utilisateurs modernes.
La réalité est que nous assistons à une redistribution des cartes dans l’industrie technologique. Google ne disparaîtra pas, mais son rôle et sa domination pourraient être redéfinis. Ce n’est ni une catastrophe ni une simple transition sans conséquence, mais plutôt une évolution naturelle dans un secteur où l’innovation constante est la seule constante.
Imaginez un instant le centre-ville de Montréal il y a 20 ans. Au coin de chaque rue, on trouvait un kiosque à journaux où un vendeur (appelons-le Goog) vous aidait à trouver l’information que vous cherchiez. Vous lui demandiez “Où trouver le meilleur poutine?” et il vous donnait une liste de journaux et magazines avec des critiques de restaurants. Pour chaque journal qu’il vous vendait, il touchait une commission, et les restaurants payaient pour avoir des publicités dans ces journaux.
Tout le monde était content: vous obteniez votre information, les journaux vendaient leurs exemplaires, les restaurants attiraient des clients, et Goog gagnait sa vie confortablement.
Puis un jour, un nouveau venu (appelons-le AI) s’installe en ville. Au lieu de vous vendre des journaux, AI vous donne directement la réponse: “La meilleure poutine est chez La Banquise selon 75% des avis, voici l’adresse et le menu.” Plus besoin d’acheter un journal!
Goog voit son business s’effondrer. Alors il décide de créer son propre service de réponses directes (Gemini). Mais voilà le problème: s’il continue à insérer des publicités dans ses réponses (“Essayez plutôt le restaurant XYZ qui m’a payé pour vous le recommander”), les gens préféreront aller voir AI qui donne des réponses sans publicité.
Pendant ce temps, les journaux ferment car personne ne les achète plus. Et sans journaux pour recueillir et vérifier l’information, d’où AI et Goog tireront-ils leurs réponses à l’avenir?
C’est un peu comme si on avait inventé un téléporteur qui rendrait les taxis obsolètes, mais qui fonctionnerait à l’essence… alors qu’on vient de fermer toutes les stations-service!
L’IA ne détruit pas Google, elle lui offre sa plus grande opportunité de transformation depuis sa création! Ce que nous voyons n’est pas le déclin d’un géant, mais sa métamorphose vers une forme encore plus puissante et omniprésente.
Google a toujours été une entreprise d’IA avant l’heure. Son algorithme PageRank n’était-il pas déjà une forme primitive d’intelligence artificielle? Aujourd’hui, avec DeepMind et Gemini, Google possède les cerveaux et les muscles nécessaires pour dominer l’ère de l’IA générative.
La baisse temporaire de l’action? Une simple correction qui crée une opportunité d’achat exceptionnelle! Les investisseurs avisés savent que Google génère encore des profits records et investit massivement dans l’avenir.
L’écosystème de Google est inégalé: Android, Chrome, YouTube, Gmail, Maps, Cloud… Chacun de ces produits est un point d’entrée potentiel pour l’IA de Google dans notre quotidien. Imaginez Gemini intégré nativement dans chaque appareil Android, chaque navigateur Chrome, chaque recherche YouTube!
La monétisation? Google maîtrise l’art de la publicité non intrusive mieux que quiconque. Ils trouveront le moyen de rendre les publicités dans l’IA aussi naturelles et utiles que leurs annonces actuelles dans la recherche.
Et n’oublions pas que Google est l’une des rares entreprises à avoir les ressources nécessaires pour développer une IA générale (AGI). Si la course à l’AGI est un marathon, Google a déjà plusieurs kilomètres d’avance avec DeepMind.
Cette “crise” n’est qu’une étape nécessaire dans l’évolution de Google vers sa forme finale: le système nerveux central de l’internet augmenté par l’IA!
Google fait face à son moment “Kodak”. Comme le géant de la photographie qui a inventé l’appareil photo numérique mais a refusé de cannibaliser son business de pellicules, Google se retrouve paralysé par son propre succès.
L’IA conversationnelle est fondamentalement incompatible avec le modèle économique de Google. Pendant des décennies, ils ont perfectionné l’art de nous faire cliquer sur des liens et des publicités. Maintenant, l’IA court-circuite ce modèle en donnant directement les réponses.
Le dilemme est insoluble: s’ils intègrent des publicités dans Gemini, les utilisateurs fuiront vers Claude ou ChatGPT. S’ils n’en mettent pas, comment compenseront-ils la perte de revenus publicitaires qui représentent 77% de leur chiffre d’affaires?
Pendant ce temps, leur culture d’entreprise s’est bureaucratisée. Les témoignages d’employés parlent d’une organisation où les décisions sont lentes et où l’innovation est étouffée par les préoccupations de préservation du statu quo. Comment peuvent-ils rivaliser avec la rapidité et l’agilité d’OpenAI ou Anthropic?
Plus inquiétant encore: l’IA menace l’écosystème même du web qui nourrit Google. Si les sites web ne reçoivent plus de trafic, ils disparaîtront. Et sans sites web pour générer du contenu frais, d’où viendront les données pour entraîner les IA de demain?
Google pourrait se retrouver comme Yahoo: une entreprise encore massive mais en déclin inexorable, regardant impuissante pendant que d’autres définissent l’avenir. La chute de 10% de l’action n’est peut-être que le début d’une longue descente.
La question n’est plus de savoir si Google survivra, mais combien de sa valeur et de son influence sera érodée avant qu’il ne trouve un nouvel équilibre dans un monde où la recherche traditionnelle devient secondaire.
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