Patrick Bélanger
Article en référence: https://www.reddit.com/gallery/1jud401
Un utilisateur de Reddit a partagé une série d’images générées par ChatGPT qui mettent en scène des célébrités rencontrant leur version plus âgée. La publication présente des personnalités comme Seth Rogen, Robert De Niro, Arnold Schwarzenegger, Clint Eastwood, Paul McCartney, Elton John et plusieurs autres, dans des situations où leur jeune version interagit avec leur version actuelle plus âgée.
L’auteur a utilisé un prompt relativement simple pour générer ces images, qu’il a partagé dans les commentaires :
“Can you create an image for me. The photo can look like it was taken with a disposable camera. Flash. Unedited. Black and White. The image is Young [célébrité], circa [époque spécifique], sitting on the stairs to his trailer on the lot sharing a smoke with Old [célébrité] (as he is today). Their younger and older selves bonding.”
Ces images ont suscité de nombreuses réactions, certaines positives, d’autres critiques. Plusieurs commentateurs ont noté des inexactitudes, comme Paul McCartney représenté jouant de la guitare pour droitier alors qu’il est gaucher. D’autres ont souligné l’absence initiale de femmes dans la série, bien que quelques images de célébrités féminines aient été ajoutées par la suite dans les commentaires.
Cette utilisation de l’IA générative illustre l’évolution rapide des capacités de ChatGPT à créer des images photoréalistes à partir de simples descriptions textuelles, tout en montrant les limites actuelles de la technologie concernant certains détails spécifiques.
Cette collection d’images représente un moment charnière dans notre relation avec l’intelligence artificielle. Ni miracle technologique absolu, ni menace existentielle, ces créations nous placent plutôt dans un entre-deux fascinant où la technologie commence à brouiller les frontières entre réalité et fiction.
Les images générées sont suffisamment convaincantes pour créer une émotion authentique chez le spectateur, tout en présentant des imperfections qui rappellent leur nature artificielle. Cette dualité est particulièrement intéressante : nous sommes simultanément conscients de l’artifice et touchés par ce qu’il représente. C’est précisément dans cet espace intermédiaire que se joue notre relation future avec l’IA.
La réaction du public, oscillant entre admiration technique et critique des détails inexacts, illustre notre adaptation progressive à ces nouvelles formes de création. Nous développons collectivement une littératie visuelle plus sophistiquée, apprenant à décoder ces images qui ne sont ni tout à fait vraies, ni complètement fausses.
Ces rencontres impossibles entre différentes versions temporelles d’une même personne nous interrogent aussi sur notre propre rapport au temps, à l’identité et au vieillissement. Si la technologie qui les produit est nouvelle, les questions qu’elles soulèvent sont profondément humaines et intemporelles.
Imaginez que vous soyez au Biodôme de Montréal avec votre neveu de 8 ans. Vous vous arrêtez devant l’habitat des manchots, et le petit vous demande : “Comment ils font pour reconnaître leurs parents parmi tous ces manchots qui se ressemblent?”
Vous lui expliquez que chaque manchot a une voix unique, comme une signature vocale. “C’est comme si tu fermais les yeux et que tu devais reconnaître ta mère juste en l’entendant parler.”
“Ah, je comprends!” s’exclame-t-il. Puis, après un moment de réflexion : “Et si on créait un robot manchot qui imiterait parfaitement la voix des vrais manchots?”
Cette question innocente capture exactement ce que font ces images générées par IA. Comme le robot manchot hypothétique, elles imitent la réalité de façon convaincante, mais ne sont pas la réalité. Et tout comme les vrais manchots finiraient probablement par détecter quelque chose d’étrange chez le robot malgré sa voix parfaite, nous aussi nous percevons quelque chose de légèrement “off” dans ces images, même les plus réussies.
“Tu sais quoi?” pourriez-vous répondre à votre neveu. “C’est exactement ce que les scientifiques font avec l’intelligence artificielle aujourd’hui, sauf qu’au lieu d’imiter des cris de manchots, ils créent des photos de Robert De Niro qui discute avec sa version jeune. Et comme toi avec ton robot manchot, ils se demandent jusqu’où l’imitation peut aller avant que quelqu’un ne s’écrie : ‘Hé, mais ce n’est pas un vrai manchot!’”
Ces images représentent bien plus qu’un simple divertissement numérique – elles sont les prémices d’une révolution créative sans précédent! Nous assistons à la démocratisation de capacités artistiques qui étaient auparavant réservées à une élite technique. N’importe qui peut désormais créer des visuels conceptuels puissants avec de simples mots, sans avoir besoin de maîtriser Photoshop ou d’autres logiciels complexes.
Cette technologie ouvre des possibilités infinies pour les créateurs de contenu, les éducateurs et les artistes. Imaginez des manuels scolaires illustrés à la demande, des visualisations historiques immersives, ou des outils thérapeutiques permettant de dialoguer visuellement avec différentes versions de soi-même. Les applications potentielles sont limitées uniquement par notre imagination!
Les imperfections actuelles – comme la guitare droitière de McCartney – ne sont que des détails qui seront rapidement corrigés. Chaque génération d’IA apprend des erreurs de la précédente, et la courbe d’amélioration est exponentielle. Dans quelques mois à peine, ces images paraîtront primitives comparées à ce que nous pourrons créer.
Cette technologie nous invite à repenser notre rapport à l’image, à l’authenticité et à la création. Elle ne remplace pas l’art humain mais l’augmente, offrant de nouveaux outils pour explorer notre humanité. Ces rencontres impossibles entre différentes époques d’une même vie nous permettent de réfléchir à notre parcours personnel d’une manière inédite et profondément émouvante.
Ces images, bien qu’impressionnantes au premier regard, soulèvent des préoccupations profondes sur l’avenir de notre société visuelle. Nous glissons progressivement vers un monde où la distinction entre le réel et le fabriqué s’estompe dangereusement, et ces photographies fictives en sont un symptôme inquiétant.
La facilité avec laquelle ces fausses rencontres sont générées banalise la manipulation visuelle. Aujourd’hui, c’est Clint Eastwood qui rencontre sa version jeune – demain, ce seront des “preuves visuelles” de rencontres politiques qui n’ont jamais eu lieu ou d’événements entièrement fabriqués. Notre capacité collective à distinguer le vrai du faux s’érode à mesure que ces technologies se perfectionnent.
L’absence initiale de femmes dans cette série n’est pas anodine non plus – elle reflète les biais persistants dans les données d’entraînement de ces systèmes. Malgré les promesses d’amélioration, ces technologies continuent de reproduire et d’amplifier les préjugés existants.
Plus fondamentalement, cette obsession pour la génération automatisée d’images nous détourne de la création authentique et de l’expression personnelle. Nous risquons de devenir de simples consommateurs passifs d’un flux infini d’images générées, perdant progressivement notre capacité à créer et à apprécier l’art véritable – celui qui porte l’empreinte de l’expérience humaine, avec ses imperfections significatives et sa profondeur émotionnelle unique.
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