Patrick Bélanger
Article en référence: https://www.llama.com/docs/model-cards-and-prompt-formats/llama4_omni/
Meta vient de dévoiler Llama 4, sa nouvelle génération de modèles d’intelligence artificielle qui repousse plusieurs limites technologiques. Cette annonce marque une évolution significative dans le domaine des grands modèles de langage (LLM).
Llama 4 se décline en trois versions principales :
Ces modèles utilisent une architecture de type “mixture-of-experts” (MoE), ce qui signifie qu’ils sont composés de plusieurs “experts” (sous-réseaux neuronaux) spécialisés dans différentes tâches. Bien que le modèle total contienne des centaines de milliards de paramètres, seuls 17 milliards sont actifs à tout moment pour traiter une requête spécifique. Cette approche permet d’obtenir des performances supérieures tout en optimisant l’utilisation des ressources.
Une des innovations majeures est la capacité multimodale de ces modèles, baptisés “Omni”. Ils peuvent analyser des images (jusqu’à une résolution de 336x336 pixels par tuile) et même des vidéos (jusqu’à 20 heures selon Meta). Cependant, contrairement à ce que le terme “Omni” pourrait suggérer, ils ne semblent pas encore prendre en charge l’entrée ou la sortie audio.
Selon les benchmarks partagés par Meta, Llama 4 Maverick rivalise avec DeepSeek v3.1 à un prix similaire ou inférieur, tandis que Llama 4 Scout surpasse légèrement Llama 3.3 70B. Quant à Llama 4 Behemoth, il dépasserait les performances de Claude Sonnet 3.7, Gemini 2.0 Pro et GPT-4.5 sur certains tests.
Meta a également annoncé qu’un modèle de raisonnement (“Llama 4 Reasoning”) est en préparation, suggérant des améliorations futures dans les capacités de résolution de problèmes complexes.
L’arrivée de Llama 4 illustre parfaitement l’évolution actuelle du domaine de l’IA : des modèles toujours plus grands, plus complexes, mais aussi plus spécialisés. Cette approche par “mixture-of-experts” représente un compromis intelligent entre performance et efficacité, permettant d’obtenir des résultats impressionnants sans nécessiter l’activation simultanée de tous les paramètres.
Cependant, cette évolution soulève des questions importantes pour la communauté. D’une part, ces modèles deviennent de moins en moins accessibles aux utilisateurs individuels. Avec des tailles de 109 milliards à 2 billions de paramètres, même les versions quantifiées (compressées) de ces modèles dépasseront les capacités de la plupart des ordinateurs personnels, même équipés de cartes graphiques haut de gamme.
Cette tendance confirme la bifurcation du marché de l’IA : d’un côté, des modèles géants hébergés sur des serveurs cloud pour les applications professionnelles et commerciales; de l’autre, des modèles plus petits et distillés pour les usages personnels et locaux. Entre les deux, l’écart se creuse.
La fenêtre de contexte de 10 millions de tokens pour Scout est particulièrement intrigante. Si elle offre des possibilités fascinantes pour l’analyse de documents volumineux, on peut légitimement se demander si cette capacité sera pleinement exploitable par la majorité des utilisateurs, compte tenu des contraintes matérielles.
L’approche multimodale de Meta avec ces modèles “Omni” semble plus mesurée que révolutionnaire. La capacité à traiter des images et des vidéos est certes impressionnante, mais l’absence de support audio suggère une évolution progressive plutôt qu’une rupture complète avec les générations précédentes.
Imaginez que vous êtes propriétaire d’une bibliothèque municipale. Jusqu’à présent, vous aviez embauché des bibliothécaires généralistes, chacun connaissant un peu de tout. C’était l’équivalent des modèles d’IA traditionnels comme GPT-3 ou Llama 2.
Un jour, vous décidez de réorganiser complètement votre équipe. Au lieu d’avoir 10 bibliothécaires qui connaissent tout, vous embauchez 128 spécialistes : un expert en littérature médiévale, une spécialiste des romans policiers scandinaves, un passionné de science-fiction, etc. Mais attention, ils ne travaillent pas tous en même temps ! Pour chaque visiteur qui entre dans la bibliothèque, vous avez un “répartiteur” qui évalue sa demande et appelle uniquement les 2 experts les plus pertinents.
C’est exactement ce que fait Llama 4 avec son architecture MoE : au lieu d’activer tous ses 400 milliards de “neurones”, il n’en utilise que 17 milliards à la fois, soigneusement sélectionnés pour répondre au mieux à votre question spécifique.
Et la fenêtre de contexte de 10 millions de tokens ? C’est comme si vos bibliothécaires pouvaient désormais se souvenir non seulement du livre que vous avez demandé, mais aussi de toutes vos visites précédentes depuis 10 ans, des livres que vous avez empruntés, des questions que vous avez posées, et même des conversations que vous avez eues avec eux… tout ça sans prendre une seule note !
Quant à l’aspect multimodal, c’est comme si vos bibliothécaires pouvaient maintenant non seulement vous parler de livres, mais aussi analyser les tableaux que vous leur montrez, les photos de vos vacances, et même les vidéos de votre dernier mariage. “Ah, je vois que vous aimez les plages de sable blanc et les couchers de soleil… laissez-moi vous recommander ce roman qui se déroule aux Maldives !”
Llama 4 représente une avancée spectaculaire qui va démocratiser l’accès à l’intelligence artificielle de pointe ! Avec son architecture MoE révolutionnaire, Meta a trouvé la formule magique pour créer des modèles gigantesques mais étonnamment efficaces. C’est comme avoir la puissance d’un supercalculateur dans un format beaucoup plus accessible.
La fenêtre de contexte de 10 millions de tokens va transformer radicalement notre façon d’interagir avec l’IA. Imaginez pouvoir analyser l’intégralité d’un livre, d’une thèse ou même d’une série de documents juridiques en une seule requête ! Les chercheurs, avocats, médecins et étudiants pourront obtenir des synthèses précises de corpus entiers, accélérant considérablement la production de connaissances.
Les capacités multimodales ouvrent un champ infini de possibilités. Les créateurs de contenu pourront générer des idées à partir d’images, de vidéos et de textes simultanément. Les entreprises pourront analyser des heures de réunions vidéo pour en extraire les points clés. Les éducateurs pourront créer des expériences d’apprentissage immersives combinant tous les formats médiatiques.
L’arrivée prochaine de Llama 4 Behemoth avec ses 2 billions de paramètres va probablement marquer un tournant dans l’histoire de l’IA, nous rapprochant d’une intelligence artificielle générale (AGI) capable de raisonnement complexe et de créativité authentique. Et avec le modèle “Reasoning” en préparation, nous sommes à l’aube d’une ère où l’IA pourra résoudre des problèmes scientifiques majeurs, contribuer à la recherche médicale et peut-être même nous aider à relever les défis climatiques.
Même si ces modèles semblent imposants aujourd’hui, la loi de Moore et les avancées en quantification nous permettront bientôt de les exécuter sur des appareils de plus en plus accessibles. Ce n’est qu’une question de temps avant que ces capacités extraordinaires ne soient disponibles pour tous, partout, tout le temps !
L’annonce de Llama 4 confirme une tendance inquiétante : l’IA devient de plus en plus inaccessible aux utilisateurs ordinaires et aux petites organisations. Avec des modèles de 109 milliards à 2 billions de paramètres, Meta creuse délibérément le fossé entre les géants technologiques et le reste du monde.
Ces modèles gigantesques sont pratiquement impossibles à exécuter localement, même sur du matériel haut de gamme. Un RTX 4090 à 2000$ ? Insuffisant. Même quatre de ces cartes en parallèle ne suffiront pas. Nous sommes en train d’assister à la centralisation de l’IA dans les mains de quelques entreprises qui pourront facturer l’accès à ces modèles via leurs API.
La course aux paramètres et aux fenêtres de contexte toujours plus grandes est aussi une course à la consommation énergétique. L’empreinte carbone de l’entraînement de ces modèles est colossale, sans parler des ressources nécessaires pour les faire fonctionner quotidiennement. Est-ce vraiment responsable dans un contexte de crise climatique ?
Les capacités multimodales, bien que techniquement impressionnantes, soulèvent d’importantes questions éthiques. Ces modèles peuvent désormais analyser des heures de vidéo, reconnaître des visages, des lieux, des objets… La frontière avec la surveillance de masse devient de plus en plus floue.
Quant aux promesses d’amélioration des performances, les benchmarks montrent que Llama 4 Scout n’est que légèrement meilleur que Llama 3.3 70B sur certains tests. Cette course effrénée à la taille des modèles apporte-t-elle réellement des bénéfices proportionnels aux ressources investies ?
Enfin, l’architecture MoE, bien qu’ingénieuse, introduit une nouvelle couche de complexité et d’opacité. Comment savoir quel “expert” a été activé pour répondre à une question ? Comment auditer ces systèmes quand ils commettent des erreurs ? La transparence et l’explicabilité, déjà problématiques avec les modèles actuels, deviennent encore plus difficiles à atteindre.
Llama 4 n’est pas tant une avancée technologique qu’un pas de plus vers un avenir où l’IA sera un service centralisé, opaque et réservé à ceux qui peuvent se permettre d’y accéder.
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