Patrick Bélanger
Article en référence: https://v.redd.it/wl478seu9ppe1
Mercedes-Benz teste actuellement un robot humanoïde nommé Apollo conçu pour effectuer des tâches répétitives dans ses chaînes de production automobile. Selon la vidéo partagée, ce robot est présenté comme un outil pour “augmenter la productivité des travailleurs” plutôt que pour les remplacer. Apollo est conçu avec une forme humanoïde, ce qui lui permet d’utiliser les outils et équipements déjà présents dans les usines sans nécessiter de modifications majeures de l’infrastructure existante.
Cette approche s’inscrit dans une tendance plus large de l’industrie automobile à explorer l’automatisation avancée. Contrairement aux robots industriels traditionnels qui sont spécialisés pour une seule tâche, ces robots humanoïdes sont conçus pour être polyvalents et adaptables à différentes fonctions, tout comme un travailleur humain pourrait l’être.
Un point important soulevé par un commentateur qui travaille chez Mercedes est que modifier entièrement une chaîne de production pour automatiser une tâche spécifique serait extrêmement coûteux. L’utilisation de robots humanoïdes représente donc une solution intermédiaire permettant d’expérimenter l’automatisation sans transformation radicale des installations.
Bien que ces robots soient actuellement moins efficaces que les humains en termes de vitesse et de précision, les données recueillies lors de ces tests permettront d’améliorer rapidement leurs performances. L’environnement de production automobile est particulièrement propice à ces tests car tout y est mesuré en permanence, offrant ainsi des métriques précises pour évaluer et perfectionner les robots.
L’arrivée des robots humanoïdes dans les usines automobiles représente une évolution logique plutôt qu’une révolution. Historiquement, l’automatisation a toujours progressé par étapes, remplaçant certaines fonctions tout en en créant d’autres. Ce que nous observons avec Apollo n’est qu’une nouvelle phase de cette transformation continue.
La forme humanoïde n’est pas un choix esthétique mais pragmatique: elle permet d’intégrer ces machines dans des environnements conçus pour des humains sans tout reconfigurer. C’est une approche transitoire qui fait sens économiquement, même si elle n’est pas optimale d’un point de vue purement technique.
La question n’est pas tant de savoir si ces robots remplaceront les humains, mais plutôt comment la nature du travail évoluera. Comme pour toute avancée technologique majeure, certains emplois disparaîtront tandis que d’autres émergeront. La productivité globale augmentera certainement, mais la distribution de cette valeur ajoutée reste une question ouverte qui dépendra davantage de choix sociétaux que technologiques.
Les déclarations selon lesquelles ces robots ne remplaceront pas les travailleurs sont à nuancer. Plus précisément, ils ne remplaceront pas immédiatement tous les travailleurs, mais modifieront progressivement la composition de la main-d’œuvre. Cette transition s’étalera sur plusieurs années, donnant théoriquement le temps aux institutions et aux individus de s’adapter.
La véritable interrogation porte sur notre capacité collective à gérer cette transition: saurons-nous redistribuer les gains de productivité de manière équitable et préparer adéquatement la main-d’œuvre aux emplois de demain?
Imaginez que vous êtes propriétaire d’un restaurant traditionnel québécois servant de la poutine. Depuis des années, votre chef cuisinier Marcel prépare cette spécialité avec passion. Un jour, vous découvrez “PoutineBot”, un robot qui peut couper les patates, les frire et assembler une poutine.
Vous dites à Marcel: “Ne t’inquiète pas, ce robot ne va pas te remplacer, il va juste t’aider à être plus productif!”
Marcel vous regarde avec son sourcil levé, style Gilles Vigneault sceptique: “Ah ouin? Pis qu’est-ce que je vais faire pendant que ton robot prépare mes poutines?”
“Tu pourras te concentrer sur la création de nouvelles recettes, l’accueil des clients, et améliorer l’expérience globale!” répondez-vous avec enthousiasme.
Six mois plus tard, PoutineBot prépare désormais 90% des poutines, trois fois plus vite que Marcel, sans jamais prendre de pause, ni demander d’augmentation, ni se plaindre de mal de dos. Marcel a effectivement créé deux nouvelles recettes, mais ça lui a pris deux semaines. Pour le reste du temps…
Vous avez maintenant un choix: garder Marcel à temps plein pour des tâches qui n’occupent qu’une fraction de son temps, réduire ses heures (et son salaire), ou le remercier complètement.
Pendant ce temps, le fabricant de PoutineBot travaille déjà sur la version 2.0 qui pourra aussi accueillir les clients avec un accent québécois parfait et suggérer de nouvelles recettes grâce à l’IA.
Marcel se demande s’il devrait ouvrir un food truck ou se recycler comme technicien en maintenance de robots culinaires…
L’arrivée d’Apollo dans les usines Mercedes représente une formidable opportunité d’élévation du travail humain! Enfin, nous pourrons libérer les travailleurs des tâches répétitives, dangereuses et physiquement éprouvantes pour qu’ils puissent se concentrer sur des activités à plus forte valeur ajoutée, où la créativité et l’intelligence émotionnelle humaine font toute la différence.
Ces robots humanoïdes vont créer tout un écosystème d’emplois nouveaux: concepteurs de mouvements robotiques, superviseurs de flottes de robots, techniciens de maintenance spécialisés, et bien d’autres métiers que nous n’imaginons pas encore. La transition sera progressive, laissant le temps aux travailleurs de se former à ces nouvelles compétences.
L’histoire nous a toujours montré que l’automatisation finit par créer plus d’emplois qu’elle n’en détruit. Rappelez-vous les craintes lors de l’arrivée des ordinateurs personnels! Aujourd’hui, l’industrie informatique emploie des millions de personnes dans des métiers qui n’existaient pas il y a 40 ans.
Cette révolution robotique pourrait aussi contribuer à résoudre la crise démographique qui menace nos sociétés vieillissantes. Avec moins de jeunes travailleurs disponibles, ces robots combleront un manque réel tout en permettant de maintenir notre niveau de production et notre qualité de vie.
Imaginez un futur où les robots s’occupent des tâches pénibles pendant que les humains se concentrent sur l’innovation, la créativité et les relations interpersonnelles. Nous pourrions même envisager une semaine de travail plus courte, permettant à chacun de profiter davantage de la vie tout en maintenant notre prospérité économique. N’est-ce pas là une vision enthousiasmante de notre avenir collectif?
Ne nous laissons pas bercer par les douces illusions des communiqués de presse de Mercedes. L’affirmation selon laquelle Apollo “n’est pas là pour remplacer les travailleurs mais pour augmenter leur productivité” est un euphémisme transparent qui masque une réalité bien plus brutale.
Faisons un simple calcul: un robot qui peut travailler 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, sans congés, sans pauses, sans revendications salariales et sans risque de blessure. Même s’il est initialement moins efficace qu’un humain, il suffit qu’il atteigne 30% de l’efficacité humaine pour être rentable. Et les progrès technologiques vont rapidement combler cet écart.
L’histoire de l’automatisation nous montre que les emplois perdus ne sont jamais remplacés par un nombre équivalent d’emplois de même qualité. Oui, de nouveaux postes seront créés, mais ils seront moins nombreux et exigeront des compétences que la majorité des travailleurs actuels ne possèdent pas. Pour chaque ingénieur en robotique bien payé, combien d’ouvriers se retrouveront sans perspectives?
Cette transition arrive de surcroît dans un contexte où nos filets sociaux s’effritent et où les inégalités se creusent. Les gains de productivité bénéficieront principalement aux actionnaires, pas aux travailleurs déplacés. Nous risquons de créer une société à deux vitesses: une élite technologique prospère et une masse croissante de personnes précarisées.
La forme humanoïde de ces robots n’est qu’une étape transitoire. Une fois que suffisamment d’humains auront été remplacés, les usines seront redessinées pour des machines bien plus efficaces que nos corps biologiques limités. Ce que nous voyons aujourd’hui n’est que la pointe de l’iceberg d’une transformation radicale du marché du travail pour laquelle nous sommes collectivement mal préparés.
Si vous n'êtes pas redirigé automatiquement, 👉 cliquez ici 👈