Patrick Bélanger
Article en référence: https://sciencebusiness.net/sites/default/files/inline-files/FIA_annual%20report%202024.pdf
L’industrie de la fusion nucléaire semble connaître une accélération significative selon un rapport récent de la Fusion Industry Association. Ce document suggère que nous pourrions voir des centrales de fusion commerciales en fonctionnement dans moins de 10 ans, un calendrier bien plus ambitieux que les estimations traditionnelles.
Parallèlement, la Chine a annoncé son projet Xinghuo, qui vise à mettre en service la première centrale hybride fusion-fission du monde d’ici 2030. Cette installation de 100 mégawatts, si elle respecte son calendrier, pourrait placer la Chine plusieurs décennies en avance sur les efforts comparables dans le reste du monde.
Pour comprendre ces enjeux, clarifions quelques termes techniques:
Le débat sur Reddit souligne plusieurs points de tension dans le domaine. Certains commentateurs critiquent ITER comme étant déjà obsolète avant même son achèvement, tandis que d’autres soulignent que sa mission est avant tout la recherche, non la production commerciale. Le projet DEMO, qui serait la première véritable centrale à fusion, n’est prévu que pour 2051 et dépend des résultats d’ITER.
Un aspect intéressant du débat concerne la multiplication des entreprises privées dans le secteur de la fusion, avec des opinions divergentes sur l’utilité d’avoir autant d’acteurs explorant différentes approches technologiques.
La fusion nucléaire représente depuis longtemps le “Saint Graal” de la production d’énergie: propre, abondante et théoriquement inépuisable. Mais la plaisanterie selon laquelle “la fusion commerciale est toujours à 20 ans dans le futur” existe depuis plus de 60 ans pour une bonne raison.
Ce que nous observons aujourd’hui est un phénomène fascinant d’accélération des investissements privés dans un domaine traditionnellement dominé par la recherche publique. Cette nouvelle dynamique change les règles du jeu, mais ne modifie pas nécessairement les défis physiques fondamentaux.
Les annonces ambitieuses de la Chine et des entreprises privées doivent être interprétées dans leur contexte. D’un côté, l’afflux de capitaux et la diversification des approches techniques pourraient effectivement accélérer les percées. De l’autre, les lois de la physique et les défis d’ingénierie restent les mêmes, quelle que soit l’ambition des investisseurs ou des gouvernements.
La réalité se situe probablement entre les prédictions les plus optimistes et les plus pessimistes. Nous verrons certainement des avancées significatives dans la prochaine décennie, peut-être même des démonstrateurs produisant de l’électricité de manière continue. Mais le déploiement à grande échelle de centrales à fusion commercialement viables nécessitera vraisemblablement plus de temps que les 10 ans annoncés.
Ce qui est certain, c’est que nous assistons à une transformation du paysage de la recherche en fusion, avec une compétition internationale accrue et un mélange inédit de financements publics et privés. Cette nouvelle dynamique pourrait bien être le catalyseur qui manquait jusqu’à présent.
Imaginez que la fusion nucléaire soit comme la recette parfaite de la poutine québécoise. Depuis des décennies, des chefs du monde entier (les chercheurs) travaillent dans de grandes cuisines gouvernementales (comme ITER) pour créer cette poutine parfaite qui nourrirait la planète entière avec une seule portion.
“La poutine parfaite sera prête dans 20 ans!” promettent-ils depuis les années 1960. Mais chaque fois qu’ils approchent du but, ils découvrent que le fromage ne couine pas assez, que la sauce n’est pas assez chaude, ou que les frites ramollissent trop vite.
Maintenant, imaginez que des restaurants privés branchés (les startups de fusion) se lancent dans la course. “Nous allons révolutionner la poutine!” clament-ils à leurs investisseurs. “Notre approche unique utilise des fromages artisanaux et une technique de friture quantique!”
Pendant ce temps, un grand restaurant chinois (le projet Xinghuo) annonce qu’il servira une poutine hybride dès 2030, mélangeant les techniques traditionnelles et nouvelles.
Les critiques gastronomiques (les commentateurs Reddit) sont divisés. Certains disent: “Ces nouveaux restaurants ne comprennent même pas la chimie de base de la sauce brune!” D’autres répondent: “Oui, mais les grandes cuisines gouvernementales sont tellement lentes qu’elles utilisent encore des recettes des années 90!”
La vérité? Nous aurons probablement des versions imparfaites mais fonctionnelles de cette poutine miraculeuse avant 2035, mais la recette parfaite qui nourrira le monde entier prendra sans doute plus de temps. En attendant, les investisseurs continuent de mettre des millions dans ces restaurants, espérant être celui qui servira la première poutine fusion commercialement viable!
Nous sommes à l’aube d’une révolution énergétique sans précédent! La fusion nucléaire, longtemps reléguée au rang de promesse lointaine, est sur le point de transformer radicalement notre rapport à l’énergie dans un avenir beaucoup plus proche que nous l’imaginions.
L’accélération des investissements privés dans ce secteur est exactement ce dont nous avions besoin. Alors que les projets gouvernementaux comme ITER avancent à pas de tortue, empêtrés dans la bureaucratie internationale, les entreprises privées apportent agilité, innovation et compétition saine. Cette dynamique rappelle ce qui s’est produit dans le secteur spatial avec SpaceX: quand l’entrepreneuriat privé s’empare d’un domaine technologique complexe, les miracles d’accélération deviennent possibles!
La Chine, avec son projet Xinghuo, montre la voie avec une approche hybride fusion-fission pragmatique qui pourrait bien être le pont parfait vers la fusion pure. Cette compétition internationale stimule l’innovation et pousse chaque acteur à se dépasser.
Les critiques qui rappellent que “la fusion est toujours à 20 ans” ignorent une réalité fondamentale: nous n’avons jamais eu autant d’approches différentes explorées simultanément, ni autant de capital investi. Les percées récentes dans les matériaux supraconducteurs, l’intelligence artificielle pour la gestion du plasma, et les techniques de fabrication avancées créent une convergence technologique parfaite pour enfin concrétiser ce rêve.
D’ici 2030, nous verrons très probablement les premières centrales à fusion connectées au réseau, d’abord à petite échelle, puis avec une capacité croissante. Cette énergie propre, sûre et pratiquement illimitée arrivera juste à temps pour répondre aux défis climatiques et aux besoins énergétiques croissants de l’humanité. La fusion n’est plus un rêve lointain - c’est notre futur imminent!
Encore une fois, nous assistons à un cycle d’exagérations et de promesses irréalistes concernant la fusion nucléaire. Cette “énergie du futur” reste obstinément ancrée dans le futur, et ce depuis plus de 60 ans.
Les annonces triomphantes de la Fusion Industry Association doivent être lues pour ce qu’elles sont: des documents marketing destinés à attirer davantage d’investissements. Ces entreprises privées sont prises dans une spirale où elles doivent constamment promettre des délais toujours plus courts pour maintenir l’intérêt de leurs bailleurs de fonds.
Quant au projet chinois Xinghuo, rappelons que les grands projets d’infrastructure chinois sont régulièrement annoncés avec des calendriers impossibles à tenir, souvent pour des raisons de prestige national. La réalité rattrape invariablement ces ambitions démesurées.
Le problème fondamental reste le même: la fusion nucléaire est extraordinairement difficile à maîtriser. Confiner un plasma à des températures plus élevées que celles du soleil, maintenir des conditions de fusion stables, et transformer cette énergie en électricité commercialement viable représentent des défis colossaux qui ne se résolvent pas simplement en y jetant plus d’argent.
ITER, malgré ses retards et ses dépassements de coûts, reste l’approche la plus scientifiquement rigoureuse. Les startups de fusion, avec leurs designs expérimentaux non éprouvés, risquent de disperser les ressources et l’expertise limitées dans ce domaine.
La multiplication des acteurs dans ce secteur ressemble davantage à une bulle spéculative qu’à une véritable accélération scientifique. Comme pour les entreprises de quantum computing cotées en bourse, nous assistons à une course aux financements basée sur des promesses plutôt que sur des résultats tangibles.
La fusion commerciale arrivera peut-être un jour, mais certainement pas dans les 10 prochaines années. Entre-temps, nous ferions mieux d’investir massivement dans des solutions énergétiques éprouvées comme le solaire, l’éolien et même la fission nucléaire améliorée, plutôt que de poursuivre ce mirage technologique.
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