Patrick Bélanger
Article en référence: https://www.reddit.com/r/singularity/comments/1me8heb/not_a_lot_of_people_are_talking_about_microsoft/
Microsoft et Meta ont publiĂ© des rĂ©sultats financiers exceptionnels ce trimestre, largement attribuĂ©s Ă leurs investissements en intelligence artificielle. Microsoft a enregistrĂ© une croissance massive de sa plateforme cloud Azure, alimentĂ©e en partie par lâadoption de lâIA, avec Copilot qui compte dĂ©sormais 300 millions dâutilisateurs actifs. De son cĂŽtĂ©, Meta a dĂ©passĂ© toutes les attentes grĂące Ă lâutilisation de lâIA pour optimiser sa plateforme publicitaire, ce qui a propulsĂ© son action de 10% - un bond considĂ©rable pour une entreprise de cette capitalisation boursiĂšre.
Ces rĂ©sultats rĂ©vĂšlent une tendance importante : les entreprises qui intĂšgrent lâIA dans leurs services existants commencent Ă voir des retours financiers concrets. Azure, la plateforme cloud de Microsoft, bĂ©nĂ©ficie directement de lâaugmentation de la demande en ressources informatiques nĂ©cessaires pour faire fonctionner les applications dâIA. Meta, quant Ă elle, utilise des algorithmes dâapprentissage automatique pour amĂ©liorer le ciblage publicitaire, ce qui se traduit par des revenus publicitaires plus Ă©levĂ©s.
Il est important de distinguer les diffĂ©rents types dâIA mentionnĂ©s. Les systĂšmes de recommandation utilisĂ©s par Meta existent depuis bien avant lâĂ©mergence des grands modĂšles de langage (LLM) comme ChatGPT. Ces algorithmes dâapprentissage automatique analysent les comportements des utilisateurs pour prĂ©dire quels contenus ou publicitĂ©s ils sont le plus susceptibles dâapprĂ©cier. Câest diffĂ©rent de lâIA gĂ©nĂ©rative comme Copilot, qui peut crĂ©er du texte, du code ou dâautres contenus Ă partir de simples instructions.
Cette validation financiĂšre de lâIA marque probablement un tournant dans la perception des investisseurs, mais elle soulĂšve aussi des questions importantes sur la durabilitĂ© de cette croissance. Nous assistons Ă un phĂ©nomĂšne classique oĂč les âvendeurs de pellesâ - Microsoft avec Azure, Amazon avec AWS, et Nvidia avec ses puces - profitent davantage de la ruĂ©e vers lâor de lâIA que ceux qui creusent rĂ©ellement.
La rĂ©alitĂ© est plus nuancĂ©e que ne le suggĂšrent les titres enthousiastes. Beaucoup dâentreprises dâIA pure, celles qui dĂ©veloppent uniquement des solutions dâintelligence artificielle, fonctionnent encore Ă perte. OpenAI, malgrĂ© sa popularitĂ©, brĂ»le des sommes astronomiques pour maintenir ChatGPT en fonctionnement. La diffĂ©rence cruciale rĂ©side dans le fait que Microsoft et Meta intĂšgrent lâIA dans des modĂšles dâaffaires dĂ©jĂ rentables, plutĂŽt que de miser uniquement sur cette technologie.
Lâadoption rĂ©elle par les entreprises semble se concentrer sur des cas dâusage spĂ©cifiques oĂč lâIA apporte une valeur mesurable : automatisation de tĂąches rĂ©pĂ©titives, amĂ©lioration du service client, optimisation des processus existants. Câest moins spectaculaire que les promesses dâAGI (intelligence artificielle gĂ©nĂ©rale), mais câest concret et rentable.
Il faut aussi considĂ©rer lâeffet psychologique de ces rĂ©sultats. Quand des gĂ©ants comme Microsoft et Meta valident publiquement leurs investissements en IA avec des chiffres impressionnants, cela encourage dâautres entreprises Ă suivre le mouvement, crĂ©ant un cercle auto-entretenu dâinvestissement et dâadoption.
Imaginez que lâintelligence artificielle soit comme lâĂ©lectricitĂ© au dĂ©but du 20e siĂšcle. Au dĂ©but, tout le monde parlait de cette nouvelle technologie rĂ©volutionnaire, mais personne ne savait vraiment comment lâutiliser de maniĂšre profitable. Certains entrepreneurs visionnaires ont essayĂ© de crĂ©er des âcompagnies dâĂ©lectricitĂ© pureâ - lâĂ©quivalent de nos startups dâIA aujourdâhui - mais la plupart ont fait faillite parce quâils nâavaient pas de modĂšle dâaffaires viable.
Puis sont arrivĂ©s les pragmatiques : les fabricants qui ont intĂ©grĂ© lâĂ©lectricitĂ© dans leurs usines pour produire plus efficacement, les magasins qui lâont utilisĂ©e pour Ă©clairer leurs vitrines et attirer plus de clients. Ces entreprises nâĂ©taient pas des âcompagnies dâĂ©lectricitĂ©â, mais elles utilisaient lâĂ©lectricitĂ© pour amĂ©liorer ce quâelles faisaient dĂ©jĂ .
Microsoft et Meta jouent exactement ce rĂŽle aujourdâhui. Microsoft nâest pas une âcompagnie dâIAâ - câest une entreprise de logiciels qui utilise lâIA pour rendre ses produits plus attrayants. Meta nâest pas non plus une âcompagnie dâIAâ - câest une plateforme sociale qui utilise lâIA pour mieux cibler ses publicitĂ©s.
Et comme dans lâhistoire de lâĂ©lectricitĂ©, ce sont souvent les vendeurs dâĂ©quipement - les General Electric de lâĂ©poque - qui ont fait les plus gros profits au dĂ©but. Aujourdâhui, câest Nvidia qui vend les âgĂ©nĂ©rateursâ (les puces) et Microsoft qui vend âlâinfrastructure Ă©lectriqueâ (Azure). Pendant ce temps, beaucoup de ceux qui promettent de rĂ©volutionner le monde avec lâIA ressemblent encore aux inventeurs du dĂ©but du 20e siĂšcle : pleins dâidĂ©es brillantes, mais pas encore de factures payĂ©es !
Ces rĂ©sultats financiers ne sont que la pointe de lâiceberg ! Nous assistons aux premiers signes dâune transformation Ă©conomique qui va redĂ©finir complĂštement notre façon de travailler et de crĂ©er de la valeur. Quand Microsoft annonce 300 millions dâutilisateurs actifs pour Copilot, nous parlons dâune adoption technologique plus rapide que celle des smartphones ou dâInternet.
Lâintelligence artificielle est en train de dĂ©mocratiser des capacitĂ©s qui Ă©taient autrefois rĂ©servĂ©es aux experts. Un dĂ©veloppeur junior peut maintenant coder comme un senior grĂące Ă Copilot. Un entrepreneur peut crĂ©er du contenu marketing professionnel sans agence. Un Ă©tudiant peut apprendre des concepts complexes avec un tuteur IA disponible 24h/24. Cette dĂ©mocratisation va libĂ©rer un potentiel crĂ©atif et productif inimaginable.
Les investissements massifs dâaujourdâhui - on parle de centaines de milliards de dollars - vont crĂ©er une infrastructure technologique qui bĂ©nĂ©ficiera Ă toute lâhumanitĂ©. Chaque dollar investi dans les centres de donnĂ©es dâaujourdâhui sera un dollar qui permettra demain Ă une startup africaine dâaccĂ©der Ă une puissance de calcul qui rivalise avec celle des plus grandes entreprises.
Et nous nâen sommes quâau dĂ©but ! Les modĂšles actuels sont comme les premiers ordinateurs personnels des annĂ©es 80 : impressionnants pour lâĂ©poque, mais primitifs comparĂ©s Ă ce qui nous attend. Quand lâIA atteindra le niveau de lâAGI - et les signaux sont de plus en plus encourageants - nous entrerons dans une Ăšre dâabondance oĂč les problĂšmes les plus complexes de lâhumanitĂ© pourront ĂȘtre rĂ©solus.
Les entreprises qui investissent massivement aujourdâhui ne font pas que parier sur une technologie, elles construisent les fondations dâun futur oĂč lâintelligence artificielle aura Ă©liminĂ© la pauvretĂ©, accĂ©lĂ©rĂ© la recherche mĂ©dicale et rĂ©solu le changement climatique. Ces rĂ©sultats financiers prouvent que nous sommes sur la bonne voie !
Ces rĂ©sultats financiers spectaculaires cachent une rĂ©alitĂ© inquiĂ©tante : nous sommes peut-ĂȘtre en train de construire la plus grande bulle spĂ©culative de lâhistoire moderne. Quand on gratte sous la surface des chiffres impressionnants, on dĂ©couvre un chĂąteau de cartes qui pourrait sâeffondrer Ă tout moment.
Prenons Microsoft : une grande partie de la croissance dâAzure provient dâentreprises qui testent lâIA sans vraiment savoir si elle leur apporte de la valeur. Beaucoup de ces â300 millions dâutilisateursâ de Copilot sont probablement des licences corporatives payĂ©es par des entreprises qui veulent paraĂźtre innovantes, mais dont les employĂ©s nâutilisent pas rĂ©ellement lâoutil. Combien de ces abonnements seront renouvelĂ©s quand les dirigeants rĂ©aliseront que la productivitĂ© promise nâest pas au rendez-vous ?
Meta, de son cĂŽtĂ©, profite dâalgorithmes de recommandation qui existaient bien avant lâĂšre des LLM. Attribuer leurs profits Ă lâIA moderne, câest comme attribuer le succĂšs de Google Ă lâintelligence artificielle alors que leur moteur de recherche fonctionnait trĂšs bien avec des algorithmes traditionnels.
Le plus prĂ©occupant, câest lâeffet domino que ces rĂ©sultats vont crĂ©er. Dâautres entreprises vont se sentir obligĂ©es dâinvestir massivement dans lâIA pour ne pas ĂȘtre laissĂ©es pour compte, crĂ©ant une spirale dâinvestissements irrationnels. Nous avons dĂ©jĂ vu ce scĂ©nario avec la bulle Internet des annĂ©es 2000 et plus rĂ©cemment avec les cryptomonnaies.
Pendant ce temps, les vrais coĂ»ts de cette course Ă lâIA - consommation Ă©nergĂ©tique astronomique, impact environnemental, dĂ©placements dâemplois - sont soigneusement occultĂ©s des rapports financiers. Quand la rĂ©alitĂ© rattrapera lâeuphorie, nous risquons de nous retrouver avec des infrastructures surdimensionnĂ©es, des entreprises surendettĂ©es et une sociĂ©tĂ© qui aura sacrifiĂ© sa stabilitĂ© Ă©conomique sur lâautel dâune technologie qui nâaura pas tenu ses promesses les plus ambitieuses.
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